Depuis 2016, Nordpresse.be dit faire de « l’éducation aux médias ». Est-ce une bonne chose ?

Logo de Nordpresse.be (2018)
Son fondateur et patron, Vincent « Flibustier » parcourt ainsi les écoles et autres établissements pour ses one-man-shows sur la question.
Vincent Flibustier dispose d’atouts non négligeables pour effectuer cette mission, et son travail sur Nordpresse a une certaine pertinence en ce sens.
Une place à prendre en éducation aux médias
D’abord, Nordpresse utilise la satire et raille les dérives de la presse. Tout comme les Guignols de l’info, le Gorafi ou The Onion (même si la comparaison est limitée, ce que nous développons plus loin dans cet article), il offre un point de vue décalé sur les pratiques journalistiques et leurs dérives. En détournant et en moquant les codes du journalisme, il les met en lumière, tout en montrant également comment réagissent les lecteurs.
Ensuite, recevoir Vincent Flibustier en conférence est plus attrayant que de recevoir un conférencier / animateur « classique ». Cela doit motiver les élèves et les passionner davantage que d’écouter un cours magistral sur les fake news.
Dans le même ordre d’idées, on peut saluer ce que Vincent Flibustier arrive à produire, sur le fond et sur la forme (esthétique des contenus et visuels, notamment) avec relativement peu de moyens financiers et humains. Là où des associations ou organismes publics se « cassent la tête » pour produire quelque chose de directement transposable aux enseignants, parfois avec un design éculé, Flibustier fonce et produit des supports et des prises de position. Il ne s’encombre pas de conventions ou de questions institutionnelles, par exemple.
Vincent Flibustier est une personne relativement informée du point de vue de la « culture médiatique ». Il dispose d’une connaissance de certains « rouages » de la presse. On voit que c’est quelqu’un qui suit de près l’actualité « traditionnelle », sans quoi il ne pourrait d’ailleurs alimenter autant Nordpresse avec ses articles décalés. Outre sa présence sur le web, il a d’ailleurs également connu le milieu du journalisme « de l’intérieur », notamment à la RTBF.
Nordpresse affiche une liberté de parole et de ton dont ne disposent pas certains acteurs de l’éducation aux médias en Belgique ou ailleurs. Il a sans doute plus de légitimité que certains médias français qui interviennent lors d’une « Semaine de la presse » en France par exemple. Je parlerai ci-dessous de quelques « conflits d’intérêts » potentiels suscités par Nordpresse, mais il n’est évidemment pas le seul à devoir éveiller la vigilance, au contraire. Le domaine de l’éducation aux médias est fortement envié par différents acteurs : en prétendant initier au numérique, Microsoft rencontre de nouveaux clients à recruter. En intervenant pour apprendre le décodage de la presse, les médias traditionnels espèrent engager de nouveaux lecteurs potentiels. Ici, peu de langue de bois vis-à-vis du politique, de pouvoirs subsidiants ou d’actionnaires. Vincent dit ce qu’il pense, simplement.
En lien avec cette liberté de ton, Nordpresse n’a jamais hésité à écorner une certaine presse, à la critiquer de front. Il joue un rôle de « poil à gratter » dans un domaine où certains sujets sont encore tabous.
On peut reprocher à certaines autres figures de l’éducation aux médias en Belgique francophone d’être dans un discours trop « édulcoré », trop « gentillet » par rapport aux enjeux de la presse. Quand Flibustier s’attaque tête première aux fake news et aux commentaires haineux, d’autres « s’amusent » avec les médias ou se contentent de mettre en pratique quelques vieux principes journalistiques ou de tenir un discours moralisant en apparence.

Nordpresse et Enseignons.be se sont « unis contre les fake news »
Enfin, d’un point de vue idéologique, je partage un certain nombre de « combats » que mène Vincent Flibustier : contre le racisme et les discours haineux, contre la censure, contre la désinformation et les pratiques journalistiques dévoyées, etc.

Face au racisme, le 28 mars 2017, le site satirique Nordpresse décide de publier des articles exposant les auteurs de propos racistes pour les dénoncer de manière tranchée.
Une approche problématique, à compléter
Malgré toutes ces qualités qui font de Nordpresse un acteur à prendre au sérieux, la démarche demeure lacunaire, voire problématique sur certains points, et il est important de rester vigilant à son égard.
Un gros reproche que l’on peut faire à l’approche de Vincent Flibustier est qu’elle repose sur un postulat qui est faux. En l’occurrence, il a énoncé plusieurs fois que sa « pédagogie » avec Nordpresse consiste à « prendre au piège » les gens qui partagent sans réfléchir pour qu’après ils réfléchissent à deux fois avant de croire tout bêtement.
Malheureusement, il ne suffit pas de « prendre au piège » les gens ou de décortiquer avec eux les dysfonctionnements de la presse pour qu’ils sachent trier l’info et savoir à qui faire confiance. Si les gens qui avaient été trompés étaient devenus critiques le lendemain, ça se saurait !
Au contraire, cela peut contribuer à alimenter un climat de « méfiance » généralisée où l’on ne sait plus bien à qui faire confiance. Prenons une analogie : une personne trompée plusieurs fois d’affilée par ses conjointes ou conjoints va peut-être se remettre en question, et en même temps ça ne l’empêchera pas nécessairement d’être trompée à nouveau dans le futur, et surtout elle risque de finir par se méfier de tout le monde et ne plus croire en la fidélité dans le couple. Les gens commencent à se dire « qu’on ne peut plus faire confiance à personne », que les journalistes sont « tous pourris ». Ces gens-là ne savent dès lors pas séparer le bon grain de l’ivraie, ils ne savent pas pour autant faire le tri. Et cela ne les empêche pas de relayer la première connerie qui passe sur un média social, en mode « indignez-vous ».
Pas mal d’indicateurs tendent à laisser croire que le lectorat des journaux satiriques comme Nordpresse est justement un public déjà « lettré », relativement « critique » en quelque sorte et dans une certaine mesure. Ce sont des gens bien informés ou bien au courant de ce qui se dit dans la presse, ou alors qui sont « acquis » au niveau d’une presse « alternative » (pas toujours pour le meilleur). Bref, en admettant que Nordpresse corrobore ces gens-là dans une posture plus ou moins critique, il ne permet pas nécessairement à « ceux qui se font avoir » de devenir plus « intelligents ».
Bref, prendre les gens au piège, leur montrer comment une « fake news » est construite ou leur en faire créer, pourquoi pas, mais ce n’est clairement pas suffisant.
Comment savoir par ailleurs ce qui est digne de confiance ? C’est quoi, une « bonne » info ?
Je ne dis pas ici que Vincent Flibustier n’explique pas aussi ces mécanismes. Il le fait d’ailleurs en partie. Néanmoins, le postulat « à la base » de son approche n’est pas pédagogique et peut même s’avérer contreproductif s’il n’est pas entouré d’un discours nuancé.
En échangeant sur cette question avec Vincent Flibustier, il m’a écrit ceci :
Effectivement, si ma présence dans les écoles peut motiver les acteurs de l’éducation aux médias à y être un peu plus présents pour ne pas me laisser imposer mes paroles, c’est gagné. J’en parlais avec un journaliste de l’Avenir l’autre jour qui me disait que face à mes propos qui peuvent être dangereux (« tous pourrisme ») parfois, il faudrait un contre-discours. Et évidemment qu’il en faut un, mais il est bien trop souvent absent
> Lire aussi cet article de Benjamin Hermann : Quand « le gars de Nordpresse » rencontre les élèves, faites ce qu’il dit, pas ce qu’il fait (2018)
Autre point de vigilance : Vincent Flibustier n’est pas toujours ultra transparent quant à sa démarche. Pour lui, alimenter Nordpresse « n’est pas un métier » – mais la publicité sur Nordpresse et son « statut » d’éducateur aux médias qui découle de son site sont ses principales sources de revenus. C’est bien sûr très différent de la situation de titres de presse qui ont de gros annonceurs et des actionnaires, mais c’est important à mon sens d’être totalement au clair avec son propre fonctionnement lorsque l’on « s’attaque » au fonctionnement des autres médias. Parce que Nordpresse est un média.
Aussi, Nordpresse mélange les genres. Vincent Flibustier dit que c’est « comme son blog » : Nordpresse n’est pas un site satirique au même titre que le Gorafi. Il varie articles satiriques, blagues graveleuses et prises de position, par exemple. Il utilise aussi des noms de domaine tiers pour continuer à duper les personnes qui partagent des articles sans les lire. Là où le Gorafi ne trompe plus personne – bien que ? – et affiche un ton léger, Nordpresse remue la merde histoire de confondre ceux qui tombent dedans dans son odeur. Problème : ce mélange des genres, bien qu’assumé, est-il d’ordre pédagogique ?
> Lire aussi Les sites parodiques, du rire à l’intox (2017)
Sans entrer dans des débats complexes sur l’éthique, la démarche de Nordpresse pose aussi de sérieuses questions morales (avec des pratiques parfois à la limite de la légalité). La question est la suivante : dans quelle mesure faire ce que l’on dénonce sous prétexte de le dénoncer est-il moralement justifiable ? Au-delà de la question « juridique » de savoir si Nordpresse en a le droit, il importe de savoir si ce n’est pas contreproductif de ne pas se montrer « exemplaire » au niveau éducatif – c’est la question qui nous intéresse ici.
> Mise à jour 07/2018 : en juillet 2018, Nordpresse a été temporairement bloqué sur Facebook et a crié à la censure, en étayant notamment sa thèse sur base de rumeurs, de conditionnels, etc. Cette affaire a fait grand bruit entre autres dans la mesure où elle est symptomatique de l’ambiguïté et des paradoxes du discours et de la posture de Vincent Flibustier. Pour en savoir plus sur cette affaire : Nordpresse se dit « censuré » par Facebook (HuffingtonPost), Le site « parodique » Nordpresse mis face à ses contradictions avec l’affaire Alexandre Benalla (Numerama), Facebook France a-t-il censuré des articles satiriques de Nordpresse portant sur l’affaire Benalla ? (Libération), Bloqué sur Facebook, le site parodique Nordpresse.be crie à la « censure » (Le Monde), Bilan de cette drôle de journée de « Censure Facebook » (Nordpresse)
Dans le symbole, Nordpresse demeure d’ailleurs un site « spécialiste en tromperie ». Invite-t-on des personnes volages pour parler de fidélité dans le couple ? N’y a-t-il pas une forme de devoir d’exemplarité, dans un contexte où justement, on ne sait plus à qui faire confiance ? Je n’ai pas une réponse univoque à cette question : simplement, elle me permet de soulever que Nordpresse est porteur d’un point de vue bien spécifique sur les médias et la critique des médias, et que cela pose question de s’y limiter.
> Lire aussi : Vincent Glad, Nordpresse : de la zone grise entre parodie et fake news (2018) et Aurore Van de Winkel, Les sites parodiques ou satiriques : des producteurs de fake news à visage masqué ? (2018)
Au niveau du flou que Vincent Flibustier entretient, il affirme ceci :
Globalement, ce qu’on peut me reprocher, c’est qu’effectivement j’entretiens une forme de flou. Je trouve ça sain que les gens soient critiques, remettent tout en question. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, par peur du complotisme et de la désinformation, on a tendance à travailler sur la censure plutôt que sur une éducation à l’esprit critique, à la zététique. Je pense qu’on devrait arrêter d’avoir peur du doute.
Ce que je sais être la faiblesse de mon animation, c’est que je cherche à ne pas prendre les gens pour des idiots, et probablement un peu trop parce que certains élèves parfois ont l’air de sortir de là avec le cerveau un peu retourné, ne sachant plus trop quoi penser. Parce que je ne cherche pas à leur dire ce qu’il faut penser, et en général on recherche à avoir des gens qui cherchent à convaincre. Moi, je cherche à ouvrir à plein de trucs, aux profs de continuer le boulot derrière
> Sur la place du doute en éducation aux médias, cf. Questions d’épistémologie, et en particulier les concepts suivants : relativisme, scepticisme et zététique. Un risque est qu’en lieu et place d’un doute « rationnel », méthodique, la démarche favorise plutôt une forme de relativisme ou de scepticisme « radical » où l’on ne sait plus à qui ou quoi se fier (« il faut douter de tout, tout le temps »).
Toujours au niveau du « flou » autour des activités de Nordpresse, ce n’est pas un scoop : « Flibustier », c’est un pseudonyme. Ce n’est pas bien grave en soi. L’homme apparait volontiers à visage découvert et il n’est pas impossible de découvrir son identité. C’est d’ailleurs peut-être préférable de protéger un minimum son identité pour lui qui aborde des sujets très sensibles de la manière la plus irrévérencieuse possible. Certaines personnes n’hésitent pas en effet à se livrer à des « chasses à l’homme » sur Internet, et l’on peut comprendre le souhait de se protéger et de préserver sa famille. Néanmoins, êtes-vous capables de faire confiance à une personne qui ne vous dit pas son vrai nom, qui est « masquée » ? C’est aussi une question de cohérence : si on veut critiquer les conflits d’intérêts, le placement de produits ou d’autres pratiques « masquées » dans la presse, il y a intérêt à être totalement transparent. Peut-on porter les deux casquettes à la fois ?
Cela revient à la principale critique que j’ai à l’encontre du dispositif de Nordpresse : ne serait-ce que symboliquement, en termes de « légitimité », il ne peut parler que de la « face sombre » de l’information. Il peut témoigner de comment on dupe des gens et de comment beaucoup se font encore avoir. Et il fait ça très bien.
Nordpresse, enfin, est un média. Et comme l’a dit Vincent Flibustier lui-même, c’est « comme son blog personnel ». Il n’est pas exempt d’inexactitudes ou de raccourcis, voire d’un ensemble de postures morales et de partis pris, qui, bien qu’ils soient généralement assumés, méritent une prise de distance. Sur le fond du fonctionnement des médias, le propos se résume parfois à une observation extérieure superficielle, à des approximations, voire à des règlements de comptes individuels. Comme nous l’avons dit plus haut : Vincent dit ce qu’il pense.
Vincent Flibustier est accueilli comme un orateur renommé et digne de confiance dans un établissement scolaire. Il soulève des questions importantes, mais aborde aussi des sujets avec une légèreté et un manque de nuance. On n’est pas loin de la politologie de comptoir lors de passages sur l’interventionnisme russe dans les campagnes électorales, le projet de législation «anti-fake news» porté par Emmanuel Macron, etc.
Hermann, B., Quand «le gars de Nordpresse» rencontre les élèves, faites ce qu’il dit, pas ce qu’il fait (2018)
> Mise à jour 09/2018 : je ne développe pas ici tous les « dossiers » à propos desquels Vincent Flibustier (ou Nordpresse / PayKnow) est, à mon avis, carrément parti en vrille ces derniers mois. Ce n’est pas tant son style provocateur, le fait qu’il procède à des satires ou parodies de « mauvais goût » qui me dérange là-dedans (on lui reproche souvent le fait de ne pas être drôle, mais pour moi ce n’est pas un problème majeur, quand bien même il serait choquant). Non, c’est plutôt qu’il transforme des questions de fond en des croisades, voire règlements de compte, dans lesquelles il agit parfois en étant complètement à coté de la plaque. Sur pas mal de questions de fond où il prend position « sérieusement », il est en fait complètement dans le faux. Il s’en prend ainsi régulièrement à des gens qui roulent à son avis « pour le système » et « veulent le censurer », de manière un peu paranoïaque. C’est par exemple le cas lorsqu’il critique Vincent Glad. C’est aussi le cas quand il accuse la RTBF de ne pas le citer sur une enquête menée après une intervention de sa part sur le sujet (Vincent Flibustier aurait un copyright sur les faits dont il parle ?), tout en profitant pour tacler leur mode de financement. Il s’en est aussi pris à plusieurs reprises à des acteurs du factchecking (en les accusant entre autres de servir le pouvoir en place) et de l’éducation aux médias, notamment au Conseil supérieur de l’éducation aux médias en disant que cette institution dispose de « moyens colossaux » et « ne fait rien » sur le terrain. C’est totalement méconnaître son sujet (et ce, bien que l’on puisse déplorer le manque de moyens ou critiquer l’allocation de ceux-ci). Sans parler des « combats » de plus en plus personnels qu’il mène, entre autres contre ceux qui le critiquent. Sur le fond, il se perd à mon sens dans beaucoup de confusions, de jugements à l’emporte-pièce et mélange tous les combats, au risque de déforcer les plus fondamentaux. Il a rarement tort sur toute la ligne, mais il a quand même parfois sacrément tort.
> Lire aussi Médias : « Manipulation » ! « On nous prend pour des cons » !
Et là, le bât peut blesser, dans la mesure où certains « fans » de Nordpresse montrent qu’ils ne sont pas beaucoup plus critiques que ceux dont Nordpresse se moque.
Ainsi, il est arrivé que Nordpresse soit utilisé pour attaquer directement des personnes avec qui l’auteur était en désaccord, par exemple, et qu’une certaine « fanbase » de Nordpresse s’en prenne à ces personnes, jusqu’à les harceler et adopter des comportements violents. Une bonne vieille justice populaire franchouillarde, pas loin de celle qui se plaint des roms ou des migrants et que Vincent Flibustier fustige pourtant. Nordpresse a un pouvoir d’influence et n’est pas neutre.
Souvent, c’est pour « la bonne cause », avec un regard tristement légitime sur la presse et ses dérives. Mais il y a aussi d’autres publications, postées rapidement, des critiques acerbes ou « juste pour rire », ou simplement des articles pour « faire du clic », pas toujours du meilleur goût. Les comportements qui en résultent nous apportent aussi la preuve qu’une partie de son lectorat prend parfois les choses pour argent comptant et ne se comporte pas de la manière la plus « citoyenne » qui soit… Dans quelle mesure Nordpresse ne contribue-t-il pas à alimenter certaines discriminations, voire des comportements violents, ou à tout le moins inciviques (insultes, moqueries, harcèlement ciblé, par exemple) ? Il y a des conséquences et donc des responsabilités aux actes posés, au-delà des intentions initiales d’un auteur. Là encore, cela pose des questions morales qui pourraient faire l’objet de plus amples développements.
Toujours est-il qu’il ne suffit pas de lire Nordpresse pour se forger un esprit critique, tout comme il ne suffit pas de dire que « les médias sont tous pourris » pour ne plus jamais se faire avoir par des mensonges.
Un mensonge poserait-il problème s’il n’y avait personne pour y croire ?
Dès lors, quelle place pour Nordpresse dans l’éducation aux médias ?
Personnellement, je me réjouis de la présence d’un acteur comme Nordpresse dans le paysage médiatique belge francophone. La Belgique est d’ailleurs un pays où, même si tout est loin d’être parfait, nous disposons d’une pluralité d’acteurs médiatiques plus ou moins indépendants. La liberté de la presse est plutôt bonne dans notre pays, encore en 2018 alors qu’elle se dégrade notamment chez certains de nos voisins. Bref, c’est plutôt un signal positif que Nordpresse puisse exister et dire son opinion.
En plus, un acteur avec la visibilité de Nordpresse peut permettre de faire connaitre l’éducation aux médias. Nous partageons ce postulat qu’il est possible de développer la pensée critique des citoyens à l’égard des médias, et donc nous « militons » pour plus d’éducation à cette « pensée critique ». Il y a ici une opportunité de fournir un vrai « contre-discours » pédagogique (voire politique) et par ce biais de positionner l’éducation aux médias dans l’opinion publique.
Vincent Flibustier est intelligent et n’aime pas les « étiquettes ». De ce fait, l’éducation aux médias qu’il exerce aujourd’hui n’est peut-être pas celle qu’il pratiquera demain. Il va vraisemblablement s’adapter et tenir compte des préoccupations de terrain. Toujours est-il que fondamentalement, Nordpresse, c’est Vincent Flibustier. L’éducation aux médias selon Nordpresse, c’est cela : ce sont les idées et la vision pédagogique (et politique) d’une personne, voire d’un personnage.
Ce personnage dispose d’une relative expertise et fait preuve d’un engagement productif dans le domaine. En ce sens, son approche n’est pas moins pertinente que celles d’un journaliste, d’un historien, d’un pédagogue, d’un enseignant ou d’un autre blogueur… Mais elle ne les remplace pas non plus !
J’ajouterais qu’en soi, un journaliste, un historien ou un blogueur-Nordpresse ne disposent pas nécessairement du recul pédagogique nécessaire au partage d’une réflexion critique. Il s’agit de prendre en compte des compétences et enjeux qui dépassent ces terrains professionnels. On peut d’ailleurs avoir de très bonnes idées et les transmettre très mal du point de vue éducatif. L’éducation ne doit pas être assurée que par des « experts », surtout quand elle concerne des questions démocratiques de fond, mais il est important néanmoins de faire la part des choses de manière bien informée, et pas de se fier à la première opinion venue.
Paradoxe et risque de l’enseignement de la « pensée critique » : « J’attends de vous tous que vous soyez des penseurs indépendants, innovants et critiques qui font exactement ce que je dis ! ».
Source : https://theness.com/neurologicablog/index.php/the-need-for-critical-thinking/
En Belgique, l’éducation aux médias se veut pluraliste, c’est-à-dire ouverte à différents courants et influences. Si un enjeu est de ne pas « croire bêtement » le premier gourou venu, il est important de varier les points de vue et les approches et de les nuancer en conséquence.
En somme : Nordpresse, pourquoi pas, mais pas que Nordpresse.
> La section « éducation aux médias » du site de Vincent Flibustier
Je ne m’attendais pas à ce que mon article sur Nordpresse suscite autant de polémiques sur Twitter et en message privé, notamment de la part de journalistes aguerris dont certains n’hésitent pas à lancer des punchlines tournant mon article en dérision (en l’ayant vraiment lu ?).
Même si cela me prend du temps ou de l’énergie, je suis assez satisfait de lancer le débat (et de pouvoir nuancer mes propos en essayant de rester équitable et équilibré). Parce que qu’on le veuille ou non, Nordpresse occupe déjà le terrain depuis son partenariat avec Enseignons.be.
La question c’est de savoir « qu’est-ce qu’on fait avec ça » ? On fait comme s’il n’existait pas et on casse du sucre sur son dos dans notre entre-soi médiatique, ou on prend position pour voir comment construire un discours cohérent dans ce contexte ?
Je ne crois pas que Norpresse ait besoin de la « visibilité » de ma page Facebook !
Par contre, l’éducation critique aux médias a besoin d’une prise de parole publique et de se fédérer autour d’une ou plusieurs approches, et d’en faire la clarté pour le grand public.
J’ajouterais que pour moi, l’éducation aux médias ne doit pas se limiter au point de vue journalistique et à une « éducation au bon petit journalisme » comme c’est trop souvent le cas (« la semaine de la presse », « journalistes en classe », « ouvrir mon quotidien »… Trop la fête pour recruter de nouveaux lecteurs).
Qu’on le veuille ou non, Nordpresse est un acteur du paysage médiatique et aujourd’hui éducatif belge. Jouer l’autruche ou étudier et expliquer le problème, personnellement j’ai choisi mon camp.