Nous n’allons pas vers plus de nuance (et c’est un euphémisme)

Il y a quelques temps, quand j’ai commencé à rédiger Nuance ! La puissance du dialogue, j’étais inquiet en observant la polarisation des débats dans les médias et sur les réseaux sociaux. En 4e de couverture, j’écrivais : « le débat public semble de plus en plus binaire et manichéen, chacun doit choisir son camp, « pour » ou « contre », à la moindre polémique ».

J’étais déjà effaré de voir des contenus simplistes et belliqueux circuler à grande échelle, de lire les invectives entre des internautes prêchant une soi-disant bonne parole, ou encore de voir des relations se déchirer faute d’un terrain d’entente…

Depuis, la propagande idéologique s’est encore musclée un peu partout dans le monde, et il fait partie de stratégies politiques explicites de « polluer la zone » du débat public (« flood the zone with shit »). Il n’est plus question de discuter, de faire évoluer le discernement, mais de triompher, souvent au prix de la vérité et de l’éthique. Et le pire, en dépit des mensonges et des écarts répétés à la morale, c’est que ça fonctionne.

Nous n’avons jamais été autant bombardés de sources dites d’information, mais nous ne sommes pour autant pas mieux informées et informés, au contraire. Quand ce n’est pas pour du marketing économique, force est de constater que ces sources convergent pour nous vendre des discours de plus en plus simplistes et orientés politiquement. Et l’IA ne va rien arranger à tout cela.

La nuance, pour moi, ce n’est pas « mettre la balle au centre », ce n’est pas un entre-deux mou qui ne s’engage pas. Au contraire : c’est remettre les choses à leur juste place, c’est se faire une opinion sur base des faits, c’est évaluer la réalité, et non renvoyer toutes les opinions dos à dos.

Hier, j’ai lu une citation de Michel Liégeois (professeur de relations internationales à l’UCLouvain) dans un article de la RTBF : « Ça se fait par petites touches. Il n’y a pas un moment, un jour ou une heure particulière où on pourra dire que la ligne a été franchie parce qu’il n’y a pas une ligne à un endroit précis. Ce qui est clair, c’est que c’est la direction vers laquelle on va ». Et malheureusement, cette direction, elle n’est pas orientée vers plus de nuance. Mais est-il trop tard ?