Critique de l’info : l’outil ultime

Avec Action Médias Jeunes asbl, Critique de l’information : l’outil ultime, Namur : Action Médias Jeunes asbl, 2020. Ouvrage rédigé avec Florence Thomas et Valentine François.

Je suis heureux de vous partager la ressource suivante : Critique de l’information : l’outil ultime.

Cet ouvrage est l’aboutissement de plusieurs mois de travail avec Action Médias Jeunes asbl et Université de Paix asbl.

Il s’agit d’un outil pour développer son esprit critique face à l’information, à destination des élèves de la fin du secondaire.

Les contenus théoriques (dossier de l’enseignant) sont utilisables par toute personne adulte souhaitant développer un regard critique à propos des informations au sens large.

Comment débusquer les fake news ? Comment enquêter en ligne ? Comment déjouer les arguments fallacieux ? Comment s’informer pertinemment en tenant compte des algorithmes et des formats sur le web / de l’économie des médias ? Comment débattre de manière constructive sur les médias sociaux ?

Cet « outil ultime » est le résultat d’une collaboration collective d’envergure.

J’ai eu l’occasion de contribuer à la rédaction avec Florence Thomas et Valentine François.

Il est aussi le fruit du travail de Johnathan Manzitto, Elodie Drion et Roberto Cammarata, ainsi que des jeunes et des enseignantes et enseignants qui nous ont prêté main forte.

L’outil se compose entre autres d’un site internet avec des PDF téléchargeables, de capsules vidéo, d’activités pédagogiques « clé sur porte » (testées et évaluées sur le terrain) et de dossiers pour les enseignants.

Le tout est accessible gratuitement et est directement mobilisable en classe.

5 parcours / thèmes sont proposés :

1- Les capacités d’enquête en ligne : des critères et des outils pour faire de la critique documentaire approfondie

2- Les arguments fallacieux : des repères pour comprendre comment il est possible de convaincre en utilisant des arguments fallacieux, et comment les contrecarrer

3- Les formats et l’économie des médias : des notions d’économie des médias qui s’appliquent non seulement à la presse traditionnelle, mais aussi à des acteurs émergents

4- Les algorithmes : des infos concernant les fonctionnements techniques qui contribuent à nous isoler dans des bulles informationnelles et sociales

5- Le dialogue en ligne : des pistes pour développer des terrains d’entente qui prennent en compte les dimensions psychosociales des désaccords, de manière à débattre de façon constructive

Avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin et de la Loterie Nationale.

Exemple de fiche et application

Ci-dessous, découvrez une fiche de synthèse extraite de cet ouvrage. Structurée sur base de la distinction entre « Système 1 » (jugement rapide) et « Système 2 » (jugement plus approfondi), la grille regroupe un ensemble de critères pour se faire une idée rapidement de la fiabilité d’un document.

Système 1 – Les Red Flags

Premièrement, donc, des critères pour se faire un avis rapide sur un document. Plusieurs indicateurs doivent éveiller notre vigilance : 

(1) l’auteur n’est pas clairement identifié : on ne sait pas qui nous parle, donc quelles sont les raisons de lui faire confiance ?

(2) le document comporte des erreurs flagrantes non-corrigées, des éléments faux flagrants, de la désinformation (ou il y en a sur le site sur lequel il est partagé) : la vérité ne semble pas primordiale sur ce site

(3) il contient des titres « piège à clic » (sensationnalistes) : sa priorité n’est pas de nous informer

(4) le site défend une ligne éditoriale politique ou idéologique, prend parti de façon manifeste ou vise à vendre des produits : sa finalité est alors de nous persuader/convaincre plutôt que de nous informer

(5) le document ou ses auteurs sont identifiés comme trompeurs, preuves à l’appui, par exemple dans des articles de vérification des faits

(6) le document donne peu de preuves de ce qu’il affirme (ou des « preuves » de niveau faible, comme des rumeurs, des témoignages, des on-dit plutôt que des publications scientifiques), ou d’une expertise sur le sujet

Il s’agit en quelque sorte des « Red Flags » que l’on peut identifier rapidement en parcourant un document !

Dans ces cas, il y a des raisons de se méfier et de ne pas approfondir davantage, et en tout cas de se méfier.

Système 1 – Se faire une opinion rapidement sur la fiabilité d’un document

Exemple : imaginons un site intitulé ReveillayVous.be. Ce site relaie des articles en les partageant sous un pseudonyme « Les Réveillays ». Il est difficile de savoir qui se cache derrière. Le site partage bien entendu des contenus avérés, mais il contient aussi des articles qui ont été déconstruits ailleurs. En fait, il partage tout plein d’articles qui vont dans le sens d’une critique politique de la société : des témoignages, des opinions, des faits divers, des caricatures, etc. Les titres appellent souvent à l’indignation, à la colère, à la révolte ou à la curiosité : « La vérité sur tout ce qu’on vous cache !!! », « [Censuré !] Cette vidéo va remettre en cause tout ce que vous pensez ! », « On se fout vraiment de nous ! ». En tapant le nom de ce site sur un moteur de recherche, on constate qu’il est controversé. Wikipédia le relie à d’autres sites relayant des fake news (ces sources se citent souvent mutuellement, ce qui donne l’impression qu’elles recoupent leurs informations. En réalité, elles fonctionnent en sphère fermée). Souvent, ce type de site utilise aussi des stratégies comme la victimisation (« le système nous censure »), se présente comme émanant du peuple en désignant un bouc émissaire responsable de tous les maux et défend une ligne éditoriale réactionnaire (clichés sur le fait que « c’était mieux avant »), voire d’extrême droite (focalisation abusive sur l’immigration, nationalisme, etc.).

Le « Système 1 » nous permet surtout une approche « par la négative » : c’est un premier tamis pour faire un tri rapide. Il ne nous garantit ni de ne sélectionner que des documents fiables, ni de ne rejeter que des documents fallacieux, mais il permet de faire un premier tri rapide en économisant nos ressources cognitives. L’idée est que si trop d’indicateurs sont au rouge après un premier scan rapide, mieux vaut allouer votre temps ailleurs !

Système 2 – L’enquête approfondie

Système 2 – Se faire une opinion plus élaborée sur la fiabilité d’un document

On peut bien sûr approfondir cette approche sommaire et passer en « Système 2 », c’est-à-dire enquêter de manière plus minutieuse à propos du document, comme le montre cette grille, ci-dessus. On peut également enrichir cette enquête en procédant à une critique interne et à une critique externe de celui-ci.

Critique interne et critique externe

Il est intéressant de noter que ces « routines » d’évaluation de l’information peuvent devenir de plus en plus efficaces avec l’entrainement, et qu’elles peuvent nous permettre de sélectionner des sources que l’on ne va plus systématiquement remettre en cause. Nous leur déléguons notre confiance, ne serait-ce que temporairement et concernant un domaine bien spécifique. Exemple : je me renseigne sur l’éthologie et je tombe sur les vidéos d’une vulgarisatrice. Je passe le tamis du Système 1 et j’approfondis même la critique avec une enquête en Système 2. Si le résultat est que la vulgarisatrice fournit du bon travail, alors désormais, je lui accorderai donc ma confiance sur ce thème. Bien sûr, ce n’est pas infaillible, et il convient d’en rester conscientes et conscients, mais cela correspond de manière réaliste à la façon dont nous pouvons allouer nos ressources cognitives à l’évaluation de la fiabilité des informations.

Pour en savoir plus, consultez la partie Les capacités d’enquête en ligne (dossier de l’enseignant et synthèse de l’élève, en particulier), ainsi que tous les autres parcours : Les arguments fallacieux, Les formats et l’économie des médias, Les algorithmes et Le dialogue en ligne.

Télécharger le PDF : Critique de l’info : l’outil ultime – Dossier Enseignant·e complet