Quelques regards sur l’exclusion sociale

Introduction à la problématique de l’exclusion sociale et aux CPAS belges en huit leçons

L’exclusion sociale et les cpas from Julien Lecomte

1. L’importance de l’intégration et de la socialisation : qui nous socialise ?

Exemples d’instances de socialisation selon Guy ROCHER (source : Campeau, R., Sirois, M., Rheault, E., Individu et société : initiation à la sociologie (3ème édition), Montréal : Gaëtan Morin Editeur, 2004). :

  • la famille (socialisation primaire)
  • les groupes de pairs (socialisation au milieu des semblables)
  • l’école
  • le marché du travail
  • les médias 
  • Etc.

La socialisation est donc (selon Guy Rocher, op. cit., voir également un document sur l’intégration et l’exclusion produit par l’Université de Nantes en 2002) :

« un processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à sa personnalité sous l’influence d’agents sociaux-significatifs et par là-même s’adapte à l’environnement où elle doit vivre ».

Il y a plusieurs éléments :

  • Quoi : un processus, une action d’apprentissage et d’intériorisation
  • Qui : la personne humaine, toute personne
  • Apprend et intériorise les éléments socioculturels de son milieu : la culture, les valeurs, les tabous, le mode de fonctionnement des choses.
  • Intégration à la personnalité, pour savoir comment agir et s’adapter au monde.
  • Par qui : des agents sociaux significatifs (Cf. brainstorming : instances de socialisation ; revenir dessus au besoin)
  • Les instances de socialisation nous intègrent à la société, elles nous permettent de participer à la vie sociale (c’est un processus opposé/inverse/… au processus d’exclusion).

2. Une question de recherche

Comment pourrait-on mettre en rapport ces questions, mettre en rapport l’exclusion, la socialisation et les CPAS ?

Réponse : se centrer sur l’étude de ses missions/rôles (et non organes, fonctionnement…) en regard de ce qu’est l’exclusion.

En quoi les CPAS sont-ils une réponse aux problèmes d’exclusion en Belgique ?

Quels sont les rôles et missions des CPAS en regard des enjeux d’intégration/de socialisation des personnes ? Quelle est la réponse de notre société (Belgique) en termes d’action sociale par rapport aux problèmes d’exclusion/aux enjeux d’intégration sociale.

3. La pauvreté et le chômage en chiffres

Le seuil de pauvreté en Belgique. En Belgique, un individu isolé est considéré comme pauvre si son revenu net (après impôt) est inférieur à 878€ par mois. Un ménage composé de deux adultes et de deux enfants est considéré comme pauvre si, ce chiffre s’élève à € 1.844 par mois (document statbel.fgov.be).

Quels sont les risques de pauvreté en Belgique ?

Selon le document « baromètre interfédéral de la pauvreté 2009 » (cf. également le site de l’IWEPS) :

  1. Le plus haut risque (catégorie et %) : ménage travail 0 : 74,5%
  2. Non-européens (immigrés) : 53,3%
  3. Chômeurs : 34,2%
  4. Le plus faible risque (catégorie et %) : Peu formés : 23 %

Tous sont plus élevés que la moyenne de la population qui est de 15,2%

Notes : on peut être au travail et pourtant être pauvre (question des bas salaires) ! De plus, les chiffres oublient le travail en noir (idem pour le chômage). En 2013, ce taux n’a pas diminué. Les données par région montrent que celui-ci est plus élevé en Wallonie et à Bruxelles.

Le chômage

Les représentations par rapport aux chômeurs :

+ (connotations victimisantes) – (connotations responsabilisantes)
«  Le pauvre », « la société a fait que… » « Il n’a pas eu de chance »… « C’est un fainéant », « il n’avait qu’à faire des études »…

Selon le Bureau international du travail (BIT), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions[1] :

  • être sans emploi, c’est à dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ;
  • être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
  • avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Définition du taux de chômage : nombre de chômeurs (personnes inscrites au chômage) sur population active (personnes en capacité et en âge de travailler). Population active = ceux qui travaillent + ceux qui souhaitent et qui sont capables de travailler.

Selon le « taux de chômage wallon trimestriel depuis le troisième trimestre 1997 (total et jeunes) » (Cf. Iweps.be) :

  1. Celui des femmes est toujours plus grand que celui des hommes.
  2. Le taux de chômage des jeunes est extrêmement élevé.
  3. Les chiffres du chômage restent relativement stables, constants, au cours du temps (question structurelle ?). Le chômage est dit « structurel » car c’est un problème qui tient au système même : on ne parvient pas à le résoudre, il reste là, toujours constant.

Approche critique des chiffres de pauvreté et de chômage, et de leurs interprétations.

Les chiffres : une ouverture à la remise en question de la crise 2008-2009 ? Question ouverte. En octobre 2009, il y a moins de chômage qu’en 1997, 1999, 2004 et 2005 (quid de l’impact de la crise ? Quid de la pertinence des chiffres et de leurs interprétations?) Question du travail au noir, aussi.

Les motivations des acteurs

Il convient pour chaque information au sujet de thèmes économiques, sociaux et politiques, d’identifier qui fournit l’information, qui la traite ensuite et le(s)quel(s) de ces acteurs ont des intérêts possibles. La méthode consiste à se demander « qui dit quoi, et pour quelles raisons possibles? ». Il s’agit de faire des hypothèses sur le « pourquoi » en fonction de qui parle.

Mise en pratique : comparaison de trois articles traitant des chiffres sur le chômage et la pauvreté

« Le marché du travail résiste bien » « Analyse des chiffres du chômage pour le mois de septembre 2009 » « Une autre approche des indicateurs de pauvreté »

De ces articles, nous pouvons observer les contradictions (en fonction de qui s’exprime, le discours est différent) et donc dans une certaine mesure les limites des chiffres (prise en compte du travail en noir, extrême pauvreté… ?). Ceux-ci rendent peu compte de la complexité de l’exclusion et n’expliquent pas les processus, comment notre société gère (ou non) le phénomène.

A noter enfin la question de la valorisation idéologique du fait de travailler ou non. Cf. La vérité sur l’emploi, le chômage et la pauvreté (2013).

La vérité sur l’emploi, le chômage et la pauvreté

4. La stratification sociale (Bourdieu et Marx)[2]

L’idée est que la population est divisée en groupes distincts, en catégories, et qu’il n’y a pas que le critère économique/monétaire.

La lutte des classes et le marxisme

Selon Marx (1818-1883), la société est stratifiée en deux classes sociales : la bourgeoisie et le prolétariat.

Pour lui, une classe sociale, c’est un groupe d’être humains qui se distingue par la place qu’il tient dans la production, c’est-à-dire par le fait d’avoir accès ou non à la propriété des moyens de productions et au contrôle de leur gestion[3].

> Imaginez une usine : il y en a qui possèdent l’usine, les machines, etc. Les patrons. Et il y a ceux qui travaillent dans l’usine, qui ne possèdent rien, qui y sont juste employés. Ils travaillent pour produire des choses, mais ce qui leur permet de produire n’est pas à eux.

La bourgeoisie est la classe sociale qui détient les moyens de productions (les usines, par exemple).

Le prolétariat est la classe sociale qui est exploitée par la bourgeoisie ; elle n’a pas de contrôle sur ce qu’elle produit, ni sur les moyens de produire ce qu’elle produit, n’en a pas la propriété. C’est la force de travail (ouvriers…).

Destinées sociales et Pierre Bourdieu (1930-2002)

Analyse du tableau « Destinées sociales »

Catégorie socio-professionnelle (CSP) du fils en fonction de celle du père

Source : INSEE, enquête FQP, donnes sociales 2006. Année des données : 2003, Champ : hommes actifs ayant un emploi ou anciens actifs, âgés de 40 à 59 ans en 2003

La lecture s’effectue en colonne de cette façon : parmi 100 fils de pères appartenant à une CSP donnée, tant sont devenus…

On constate que les fils d’ouvriers deviennent plus volontiers ouvriers que cadres. Que les fils de cadres deviennent plus volontiers cadres qu’ouvriers, etc. On peut d’ailleurs lire le tableau en diagonale et découvrir concrètement l’idée de reproduction sociale.

L’habitus selon P. Bourdieu

Bourdieu explique cela par le biais d’une notion, l’habitus[4] :

« C’est un héritage culturel que l’individu intériorise et qui oriente de façon inconsciente ses conduites. C’est donc un ensemble de dispositions à agir, à penser, à percevoir et à sentir d’une façon déterminée ».

Concrètement, c’est un ensemble de codes, d’habitudes, que l’on va intégrer, que l’on va intérioriser. Cela va nous faire agir/penser/percevoir d’une certaine manière. Les classes sociales « favorisées » ont un habitus « favorisé ». Ils ont des codes que les autres classes sociales n’ont pas. Cela leur permet de garder la possession de leurs privilèges.

Cet ensemble de codes partagés par les membres d’une catégorie sociale permet la reproduction sociale, c’est-à-dire le fait de reproduire sa place dans la société de génération en génération : les fils de riches auront les codes des riches et donc auront beaucoup plus de facilités à devenir riches à leur tour. En baignant dans cette « sphère », ils auront plus de chances d’être riches eux aussi. Et donc de reproduire les inégalités sociales.

Exemples :

  • L’école : les enfants plus favorisés partagent les codes de l’école, ils savent mieux comment s’y tenir, comment y agir : les pratiques des plus riches (orientées par leur habitus de classe) sont valorisées à l’école.
  • La peinture : c’est un art valorisé par la société, les riches vont au musée, ils acquièrent un discours particuliers par rapport à l’art.

Habitus de classe => pratiques (façons d’être, de parler, d’agir…).

Ces pratiques sont valorisées ou non dans certaines sphères de la société (en général, les pratiques des plus riches sont valorisées) et engendrent des processus de reproduction sociale (très vulgairement, les enfants de riches sont valorisés).

5. Paugam

L’exclusion sociale, c’est un processus par lequel passe l’individu ou le groupe social pour aboutir à une rupture de tous liens sociaux[5].

Serge Paugam – La disqualification sociale

Exemples : perte des proches, ruptures amoureuses, drogues, alcool, etc. peuvent être des causes.

Pour rappel, notre question de recherche est la suivante : « Quelle est la réponse de notre société (Belgique) en termes d’action sociale par rapport aux problèmes d’exclusion/aux enjeux d’intégration sociale ? ». On peut la formuler de différentes manières, par exemple : « En quoi les CPAS sont-ils une réponse aux problèmes d’exclusion en Belgique ? »

Pour y répondre, nous formulons une hypothèse : il n’y a pas que l’économique dans l’exclusion ; les CPAS agissent aussi à d’autres niveaux contre l’exclusion. L’idée de notre hypothèse, c’est que les CPAS agissent bien sûr au niveau économique, mais aussi à d’autres niveaux (culturel, symbolique, relationnel, psychologique, physique, etc.).

Serge Paugam : L’exclusion est institutionnalisée par la société, elle en fait partie

Ce qui est gênant concernant la pauvreté et l’exclusion, c’est le besoin de définir des populations, et de les compter. Il faut d’abord sortir d’une définition substantialiste ; dans mes travaux, je me suis attaché à l’expérience vécue des populations s’adressant aux services d’action sociale (aujourd’hui, j’adopterais une définition plus large, englobant la précarité). J’ai insisté sur l’identification négative de soi chez les exclus ; de plus, il s’agit d’un processus. Mais ce qui me paraît important, et que l’on oublie souvent, c’est que ces populations ne sont pas en dehors du système : la catégorie des « RMIstes »[6] fait partie du langage commun ; les catégories d’exclus ont été institutionnalisées, elles font partie intégrante de la société […] Il faut donc prendre en compte le processus de création de ces catégories de pauvres. Il faut enfin rompre avec l’idée de passivité des populations, qui ne seraient que des assistés victimes du système, et insister sur leurs stratégies de survie.

Pour parler d’exclusion, Paugam n’utilise pas le critère économique, mais bien l’idée de dépendance aux institutions d’aide social.

Ce critère a l’avantage de ne plus partir de la personne et de lui attribuer un statut (statut de pauvre, par exemple), mais bien de partir des relations de cette personne avec la société. Au lieu de prendre l’exclus pour point de départ (avec tous le sens négatif que cela peut avoir), on parle directement de l’exclusion comme processus, comme rapport de rupture.

Cette manière de voir les chose rejoint les considérations du sociologue Georg Simmel, dans son essai sur Les Pauvres (1908) :

Alors que la pauvreté pourrait passer pour un attribut des individus, Simmel s’efforce au contraire de montrer qu’elle est essentiellement une caractéristique relationnelle, produite par la relation d’assistance qui s’établit entre ceux que l’on qualifie de «pauvres» et la société dans laquelle ils vivent. Selon lui, la pauvreté comme attribut individuel, autrement dit la privation des ressources matérielles pour un individu, ne suffit pas à le faire entrer dans la catégorie sociale spécifique des «pauvres». C’est, en réalité, «à partir du moment où ils sont assistés, peut-être même lorsque leur situation pourrait normalement donner droit à l’assistance, même si elle n’a pas encore été octroyée, qu’ils deviennent partie d’un groupe caractérisé par la pauvreté. Ce groupe ne reste pas unifié par l’interaction entre ses membres, mais par l’attitude collective que la société comme totalité adopte à son égard».

Simmel en déduit une définition de la pauvreté qui est fondamentalement «relationnelle», et non pas individuelle : «Les pauvres, en tant que catégorie sociale, ne sont pas ceux qui souffrent de manques et de privations spécifiques, mais ceux qui reçoivent assistance ou devraient la recevoir selon les normes sociales.» Autrement dit, il remet en cause la conception traditionnelle qui veut que l’attribut individuel engendre la catégorisation sociale et la forme des relations sociales qu’elle implique, pour considérer au contraire que c’est la forme spécifique des relations sociales, ici la relation d’assistance, qui produit les façons de caractériser les individus.

Source : Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, Paris : La Découverte, 2011 (troisième édition).

Selon Paugam[7], le système économique contemporain produit l’exclusion car en disqualifiant les travailleurs et en les écartant du travail il les rend dépendants des autres par  l’aide sociale et contribue ainsi à leur donner un jugement négatif sur eux-mêmes.

Il existe trois types de bénéficiaires de l’aide sociale :

  1. Les fragiles : ils font l’objet d’une intervention ponctuelle. Leurs difficultés économiques sont le plus souvent liées à un statut juridique infériorisé. L’irrégularité de leurs revenus ne leur permet qu’une participation partielle à la vie économique et sociale.
  2. Les assistés : ils bénéficient d’une intervention sociale lourde, d’un suivi de type contractuel avec des assistants sociaux. Ils perçoivent un revenu grâce à la protection sociale.
  3. Les marginaux :  ils ne bénéficient plus, ou n’ont jamais bénéficié d’allocations d’assistance régulière. Ils ne disposent ni de statut, ni de pouvoir.

Les « fragiles » sont donc les « moins exclus » du système de Paugam. Les « assistés », quant à eux, sont déjà plus dépendants de l’aide… Quant aux marginaux, c’est tous ceux pour lequel on n’a rien pu faire (clochards, drogués, suicidaires pourquoi pas…). Ce classement tient compte des plus exclus, ceux que les chiffres de la pauvreté et du chômage « oublient » de leurs statistiques.

Par rapport à l’exclusion, l’ouvrage Les Naufragés de Patrick Declerck[8] est extrêmement intéressant. C’est un homme qui a pratiqué l’observation participante avec les clochards de Paris (c’est-à-dire qu’il s’est fait passer lui-même pour un clochard pour vivre avec eux, partager tous leurs modes de vie afin de les comprendre !). Son livre permet des liens avec les chiffres qui ne prennent pas en compte les plus exclus (les clochards sont sans-papiers, sans domicile, sans travail, sans familles, oubliés de la société et de ses statistiques). On y rencontre aussi l’idée de processus complexe où le psychologique (traumatismes, phobies, etc.), le physique (alcoolisme, accidents, handicaps), le social (regard des autres, stigmatisation) et autres entrent en compte. L’exclu n’est donc plus seulement considéré comme une pure victime d’un système économique, ou un paresseux responsable de son échec, mais comme une personne qui a une existence pleine d’éléments de nombreux niveaux, qui peuvent amener à l’exclusion.

Declerck et Paugam évoquent tous les deux la stigmatisation, aussi appelée étiquetage : c’est, selon le CNRTL, « l’opération consistant à marquer d’une façon indélébile le corps d’une personne pour lui imprimer un signe distinctif, une marque d’infamie »[9]. Ce que les élèvent vont noter c’est que c’est le fait de « coller une étiquette, d’attribuer une étiquette, souvent négative (par exemple : paresseux) qui fait que la personne à qui l’étiquette est attribuée va devenir tel que l’étiquette le désigne. « Ah bon, j’ai l’étiquette du mauvais élève… On va voir ça ! »

Selon Paugam, le système économique contemporain produit l’exclusion car en disqualifiant les travailleurs et en les écartant du travail il les rend dépendants des autres par  l’aide sociale et contribue ainsi à leur donner un jugement négatif sur eux-mêmes. La société désigne ses pauvres, il y a un phénomène d’étiquetage. Le processus d’assistance aux pauvres et aux exclus qui dit qu’une personne est exclue ou pauvre est dévalorisant pour l’individu et il devient alors tel qu’on le dit. Il est disqualifié, il y a une dégradation statuaire.

Pour Paugam, la société désigne ses pauvres : il y a un phénomène d’étiquetage. Le processus d’assistance aux pauvres et aux exclus qui dit qu’une personne est exclue ou pauvre est dévalorisant pour l’individu et il devient alors tel qu’on le dit. Il est disqualifié, il y a une dégradation de son statut : « étiquette d’exclu » => « les autres me voient exclu » => « je suis exclu, je suis réduit à mon statut d’exclu » => … L’individu est vu incompétent, se voit incompétent, réduit à son « échec ».

Autre exemple : dire à un élève ou une classe que c’est « une mauvaise classe » ou dire de quelqu’un qu’il a un problème avec l’autorité ou qu’il est borné. C’est un processus psychologique très puissant (à ne pas lire toutefois comme un schéma déterministe, bien qu’il soit ici schématisé de manière simpliste et linéaire).

En ce sens, on peut qualifier le processus d’exclusion de cercle vicieux (à noter qu’il s’agit bien de tendances sociales et non de vérités universelles et absolues) :

Fragilité de la personne (risques de pauvreté, passé difficile, manque de formation, peu de liens avec la famille, ruptures affectives, alcool, drogues ou autres) = tendance à l’exclusion, propension à devenir exclu.

=> aides ponctuelles

=> étiquette d’assisté, de personne incapable de s’en sortir.

=> dépendance (la personne devient de fait assistée)

=> échec (la personne a l’étiquette d’assistée, de « personne incapable », de « personne en échec »… Elle se réduit à cette étiquette… et donc subir l’échec)…

=> exclusion => étiquette d’exclusion

Échecs => étiquette « loser » => nouveaux échecs

6. Synthèse de critères et indicateurs permettant la compréhension de dynamiques sociales

– les revenus (argent), supérieurs ou non au seuil de pauvreté

– la possession ou non d’un emploi (chômage ou non)

Marx : la possession ou non des moyens de production (classe sociale)

Bourdieu : la possession ou non des codes culturels (habitus)

Paugam : la relation aux institutions d’aides, et plus largement la relation d’assistance (Simmel)

Rocher : les relations par rapport aux instances de socialisation

7. Les CPAS – De l’assistance à l’action sociale 

Historique

1925 : Commission d’Assistance Publique (C.A.P.)

1976 : Centre Public d’Aide Sociale (C.P.A.S.) : le terme « social » apparaît. C’est une notion neuve, dont l’emploi coïncide avec l’essor des sciences sociales. Dès cette date, il doit y avoir au moins un A.S. (Assistant Social) dans chaque CPAS.

2004 : Centre Public d’Action Sociale (C.P.A.S., version 2)

En Belgique, les CPAS dépendent de l’autorité communale (= mairie). Il y a d’ailleurs un CPAS par commune. Cela signifie qu’il y a, en Belgique, 589 CPAS. C’est une entité locale qui est donc « en première ligne » par rapport aux problèmes sociaux ; c’est un organisme de proximité.

De l’assistance à l’action sociale (cf. powerpoint pour le tableau comparatif).

8. Les CPAS – Les rôles concrets 

Aides monétaires

1. Le Revenu d’Intégration Sociale (RIS)[10] (revenu minimum pour ceux qui n’ont pas droit au chômage)

Optique d’intégration, de réinsertion. Il est accompagné d’un contrat entre le demandeur et le CPAS : il faut un projet individualisé d’intégration (faire la preuve d’une recherche d’emploi, de formations, etc.), dans de nombreux cas. C’est d’ailleurs obligatoire pour le jeune (18-25 ans)

2. Autres aides monétaires (aide générale) 

Aides financières du type aides au chauffage, aide pour l’eau, vêtements et nourriture (de moins en moins)…

« Le CPAS n’est pas une vache à lait ». Le Centre va plutôt s’orienter vers la guidance, va avoir une fonction d’informations et de soutien sous d’autres formes que l’argent, pour donner à chacun les moyens de s’en sortir par soi-même.

Le CPAS dispose à cet effet de trois instruments : l’emploi, un revenu d’intégration et un projet individualisé d’intégration sociale, ou une combinaison de ces instruments

Aides non-monétaires, non financières

1. Services à domiciles

  • Repas chauds (pour les personnes âgées surtout), non gratuits. Il y a une idée de relation très forte, aussi (plutôt que de placer la personne âgée en maison de repos et l’isoler)
  • Aides familiales (travaux ménagers, éducation ménagère) : ce n’est pas un larbin, une « femme de ménage », c’est quelqu’un qui vient aider à gérer par soi-même les personnes en difficulté par rapport au ménage : on retrouve la logique de responsabilisation.

2. Aide médicale urgente 

3. Mise au travail et formations (un des piliers des CPAS) : encore une fois, il y a une logique de responsabilisation, d’action, contre l’exclusion et la stigmatisation de la personne 

4. Protection des mineurs, tutelles des enfants : le CPAS de la commune recueille les orphelins.

5. Accueil des sans abris, des demandeurs d’asile, des réfugiés politiques…

Nous repérons donc deux constats :

  • La responsabilisation, l’idée de mise au travail, de contrat, de formation,… : lutter contre l’exclusion, c’est lutter contre le chômage et la pauvreté, mais aussi contre la stigmatisation.
  • Les nombreuses interventions non-monétaires : entre autres des aides à la gestion des tâches ménagères ou administratives (guidance budgétaire, aussi) ou juridiques et des aides psychologiques. Les CPAS assurent une relation avec les personnes exclues physiquement aussi (personnes âgées qui ne peuvent plus travailler, handicapés, etc.), assurent leur guidance et leur fournissent des informations.

Le rôle de l’A.S. au sein du CPAS

  • enquête pour l’aide sociale la plus appropriée
  • au terme de l’enquête, l’AS va aiguiller le demandeur vers l’aide qui lui conviendra le mieux (éventuellement le renseigner vers une autre organisation : par exemple, alcooliques anonymes. Les CPAS peuvent d’ailleurs travailler en collaboration avec d’autres organisme, comme ATD-Quart Monde, etc.).
  • Selon que le demandeur aura besoin d’une aide médicale, d’infos, d’aide pour les papiers, l’AS va l’aiguiller et le renseigner. Il faut donc de très bonnes capacités relationnelles pour exercer ce métier
  • guidance, documentation, conseils (notamment orientations)

Nota bene : différence entre sécurité sociale et action sociale (CPAS)

  Sécurité sociale Action sociale
Buts Lutte contre les risques sociaux (pensions, soins de santé, allocations familiales, etc.) Lutte contre la pauvreté et l’exclusion
Public Les travailleurs Les citoyens
Solidarité Entre travailleurs Entre citoyens
Financement Cotisations des travailleurs Impôts (l’Etat et les communes)

 


[2] Références :

– Campeau, R., Sirois, M., Rheault, E., Individu et société : initiation à la sociologie (3ème édition), Montréal : Gaëtan Morin Editeur, 2004.

– Wynants, Bernadette, Cours de sociologie : théories et concepts, Louvain-la-Neuve : UCL, 2006-2007.

(Cours aujourd’hui donné par Luc Van Campenhoudt)

[3] Campeau, Sirois, Op. Cit, pp. 509-510.

[4] Ibidem, p.512.

[5] Campeau, R., Sirois, M., Rheault, E., Individu et société : initiation à la sociologie (3ème édition), Montréal : Gaëtan Morin Editeur, 2004, p.448. 

[6] Note : RMI = Revenu Minimum d’Intégration en France. Par extension, « RMIstes » fait allusion aux individus qui touchent ce revenu, soit des personnes en difficultés financières. En Belgique, nous parlons de RIS, Revenu d’Intégration Sociale.

[7] Références pour Paugam :

– Campeau, R., Sirois, M., Rheault, E., Individu et société : initiation à la sociologie (3ème édition), Montréal : Gaëtan Morin Editeur, 2004.

– Deleval-Vermer, Colette, Cours de didactique spéciale, Université catholique de Louvain, année académique 2009-2010.

– Wynants, Bernadette, Cours de sociologie : théories et concepts, UCL, 2006-2007.

[8] P. Declerck, Les naufragés. Avec les clochards de Paris, Paris, Plon, 2001 (ouvrage anthropologique et psychanalytique concernant les clochards) 

[9] http://www.cnrtl.fr/lexicographie/stigmatisation

Trésor de la Langue Française Informatisé (TLFI, Académie Française)

[10] Le montant du revenu d’intégration sociale (RIS) varie selon la situation familiale (montants au 01/09/09).

en EUR/mois
Cohabitants € 483,86
Isolés € 725,79
Famille monoparentale avec charge d’enfants € 967,72