Paysage médiatique belge : y a-t-il trop de médias d’info ?

En quelques années, on a pu assister à pas mal de changements dans le paysage médiatique belge francophone. Le dernier fait marquant en date est sans doute le rachat des journaux l’Avenir par Tecteo.

Et si, demain, tel ou tel titre de presse disparaissait ? Et si, comme en Grèce ou en Espagne, certaines de nos chaines de télévision étaient appelées à disparaitre ?

Gustave Doré - La Confusion des langues (1865).

Gustave Doré – La Confusion des langues (1865).

Et si, demain, tel ou tel titre de presse disparaissait ? Et si, comme en Grèce ou en Espagne, certaines de nos chaines de télévision étaient appelées à disparaitre ? Ces médias ont-ils toujours une utilité ?

Un paysage florissant

En effet, en Belgique francophone, on a connu une forte démultiplication des médias.

En télévision, par exemple. Coté service public, on pouvait autrefois regarder la RTBF et la chaine locale de sa région. De longue date, la Belgique a également pu capter les chaines de télévision françaises, TF1, FR2, FR3… La RTBF décline aujourd’hui ses programmes sur trois chaines (et plus si affinités…). Il est désormais très simple de regarder par ailleurs les télés locales des autres régions. Coté privé, on a vu la naissance de deux chaines chez RTL (Club et Plug), ainsi que AB3 et AB4. Désormais, il faut ajouter à cela (en vrac) i>tele, BFMTV, StarTV, Gulli, Direct8, les chaines dites autrefois « musicales », Eurosport, les nombreuses chaines thématiques (sports, sexe, dessins animés, nature, sciences, etc.) et j’en passe. Ce, rien qu’au niveau des chaines francophones.

En radio, la saturation du réseau FM a conduit le CSA à établir un plan de fréquences afin de limiter les interférences, ce qui a notamment conduit à la « mort » de Mint – qui, au passage, offrait un programme visant le même public cible que PureFM, mais était plus appréciée…

En presse écrite, là encore, la francophonie belge a connu une assez bonne diversité, avec les éditions de l’Avenir, le groupe Rossel (Le Soir + Sud Presse), IPM (La Libre + La DH).

> Concernant les groupes médias belges : cf. cette page du site du CSA belge.

Sans compter les magazines comme Cine-tele revue ou Tele Moustique, sachant qu’ils cartonnent toujours en tête des classements des canards écrits. Nous ne nous attardons pas sur des cas plus spécifiques comme Marianne Belgique et les nombreux autres petits ou grands « nouveaux acteurs » du paysage, mais il est intéressant d’en souligner la présence.

La réflexion implique surtout ici un autre grand acteur : Internet. Avec Internet, on a notamment vu l’émergence des sites d’information écrite des grandes chaines de télévision que sont la RTBF et RTL-TVI, mais aussi de nouveaux acteurs comme 7sur7, sans compter les nouveaux canaux de diffusion et de partage de l’info en temps réel.

De manière générale, Internet a offert l’accès à de nombreux médias plus ou moins classiques ou alternatifs, tous supports confondus (presse écrite, radio/podcast, photos et images, vidéos…).

Comme des mauvaises herbes

Cette diversité quantitative est-elle cependant synonyme de diversité qualitative ? Par exemple, la RTBF offre-t-elle aujourd’hui sur ses trois chaines publiques un service fondamentalement différent de ses concurrents privés (voire au niveau de ses partenaires locaux) ? Dans la mesure où il y a une grande uniformisation de l’information, perdrait-on en diversité si un titre de presse – voire un groupe de presse entier – disparaissait ? N’y a-t-il pas trop de journalistes ?

La réponse n’est certainement pas simple, et je propose notamment de lire mon entretien avec Marc de Haan, directeur de Telebruxelles, pour se faire une idée des enjeux d’un journalisme émancipateur.

Journalisme audiovisuel public, déontologie et émancipation : entretien avec Marc de Haan

Cependant, pour chaque média (entendu comme chaine de tv / de radio, titre de presse), il importe de se poser la question de savoir où se situe la plus-value que celui-ci apporte au public. Dans quelle mesure ce média a-t-il une valeur, non seulement monétaire (parce que c’est un paramètre qui explique la démultiplication des titres), mais aussi sociale ? D’autant plus lorsque ceux-ci peuvent être en partie « emprisonnés » par la mainmise d’un groupe de presse avec divers intérêts, comme en témoigne l’actualité ?

En d’autres termes, pour chaque média, on pourrait se demander si, au-delà de la dimension économique, ce média fait vraiment la différence. Cette différence peut être de l’ordre de l’information et de sa qualité (son exactitude, sa diversité, etc.), mais aussi du divertissement, de la socialisation…

Il s’agit simplement de réfléchir à l’intérêt, à l’utilité, à la « plus-value » de tel ou tel média dans le contexte d’offre gigantesque dans lequel celui-ci est supposé évoluer.

A mon sens et à l’heure de la « consommation à la demande », cette réflexion importe également en tant que programmateur de chaine de télévision ou rédacteur en chef.