Etude comparative de RTL-TVI, LA UNE et TF1

Étude comparative de la programmation de RTL-TVI, LA UNE et TF1 en soirée (prime time), décembre 2008.

1. Résultats globaux de la part des programmes, les trois chaines confondues

Graphe-programmes-tele

2. Résultats globaux par chaîne

La Une

Grilles-sur-le-gril

Grilles sur le gril (Média Animation asbl, 2006)

Les dissemblances avec les autres chaînes semblent se pressentir.

En effet, la fiction (et, dans une moindre mesure, le divertissement) laissent ici la place à davantage de docu-débats et d’info-culture. La différence concernant cette catégorie n’est cependant pas colossale.

Par contre, au sein de cette dernière, il y a une place significative dédiée au sport.

Par ailleurs, le cinéma est relativement peu présent par rapport aux séries et téléfilms : « le cinéma à la télé s’essouffle, du fait des nombreux canaux de diffusion que connaissent les films avant leur passage (cinéma, DVD, pay per view) » [COLLARD, Y., « Be TV, c’est le bouquet » in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Média Animation, 2006, p. 35]. Ajoutons à cela les bouquets satellites et numériques…

Est-il inopportun de citer maintenant Eric Macé, lorsqu’il parle de « création sous contrainte » ?

Ainsi, c’est souvent l’image d’un public ‘conservateur’ qui domine, dont on sait ce qu’il a ‘déjà aimé’ […] et dont on s’inquiète de ce qui pourrait lui ‘déplaire’, imposant ainsi aux scénaristes un ‘art du juste milieu’, ni trop conservateur, ni trop progressiste […] Mais ce conservatisme […] est tout à fait réversible dès lors que le succès commercial d’une série plus audacieuse […] légitime l’introduction de ‘visions du monde’ […] moins hégémoniques. C’est d’ailleurs ce qui fait le succès des séries américaines.

MACÉ É., Les imaginaires médiatiques. Une sociologie postcritique des médias, Paris, Éditions Amsterdam, 2006, p. 86.

Ainsi, le service public a pour rôle de s’inquiéter à la fois de ce qui plaît (en l’occurrence, le sport, les jeux et les fictions sont des types d’émissions fort regardés), tout en proposant de la diversité. Tâche difficile, sans aucun doute, puisqu’on sait que les documentaires sont assez peu regardés [COLLARD, Y., « Loi de l’offre, loi de la demande » in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Média Animation, 2006, p. 21].

Les contraintes de la RTBF sont en effet liées à son contrat de gestion, à ses obligations, mais aussi aux enjeux économiques liés à la publicité. Ainsi, n’en déplaise à Alain Gerlache, soucieux de l’image de la RTBF, lorsqu’il dit que « l’info, les documentaires, restent nos secteurs phares […] » ou encore que « On n’a pas […] le souhait par ailleurs de faire de la télé racoleuse » [Alain GERLACHE, cité dans COLLARD, Y., « RTBF : privé et public sont sur un bateau » in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Média Animation, 2006, p. 26], il faut tout de même s’inquiéter de ce qui plait, ne serait-ce que pour être regardée. Les documentaires ne sont d’ailleurs pas exceptionnellement présents sur la chaîne (9%), contrairement à la fiction (45%, dont une écrasante majorité de séries).

Néanmoins, force est de constater que par rapport à ses concurrentes, et au vu de toutes ses contraintes, La Une se distingue car, bien qu’ils soient peu présents, des documentaires sont là, à cette heure-là.

« Une seule différence existe entre les chaines : certaines fonctionnent selon un système de péréquation – la rentabilité est calculée sur l’ensemble des programmes, ce qui permet de ponctuer la grille d’émissions difficiles ou plus ciblées –, d’autres davantage sur la rentabilité de chaque programme. C’est là sans doute la ligne de clivage entre les télévisions publiques et les réseaux privés ».

Monique DAGNAUD, « Art de construire la grille de programmes », citée in ANTOINE, F., « Les programmes cadenassés dans les grilles », in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Media-Animation, 2006, p.13.

Lorsque nous envisagerons la programmation de La Une jour par jour, la force de cette citation se verra encore accrue. Nous verrons en effet que La Une possède la grille la plus variée, mais aussi la plus mouvante, la moins constante d’une semaine à l’autre.

RTL-TVI

Graphe-rtl-tvi

Comme prévu, la différence est ici flagrante. Les documentaires sont quasiment totalement absents. Le divertissement se trouve très peu présent. L’info-culture, quant à elle, est moindre, malgré une place toujours privilégiée pour le sport.

Tous ces « moins » profitent à un domaine : la fiction, principalement les séries et les téléfilms, présente à 83% !

TF1

Graphe-TF1

Ce graphique ne nécessite pas énormément de commentaires. Il se distingue des deux autres par la place accordée au divertissement. L’info-culture est la moins présente sur TF1, et pour ainsi dire totalement dédiée aux retransmissions sportives (matchs de football). Le seul autre magazine qui a été recensé se situe juste après un match de football (forte probabilité de déprogrammation, s’il y a des prolongations) ; il fait donc plus office de bouche-trou qu’autre chose. Les documentaires sont absents et les films de cinéma sont assez rares, malgré, encore une fois, une grande importance accordée à la fiction.

3. Résultats par chaîne et par jour

Le responsable de programmes doit alors pour que sa grille soit vivante et non la simple juxtaposition de productions diverses, mettre en place une politique de programmes au sens d’une volonté d’action directrice.

ANTOINE F., De la télévision de l’imaginaire à l’imaginaire télévisuel, Louvain-la-Neuve, Publications de la faculté ESPO-UCL, nouvelle série n°177-ciaco, 1988, p. 42.

Quelques remarques s’imposent si l’on examine ce que donnent les différentes grilles au jour le jour.

Commençons par le plus facile à traiter, à savoir le « cas TF1 » : sa grille est la plus figée de toutes. Le lundi, les séries et téléfilms. Le mardi, ce sont les films. Le vendredi, le divertissement. De semaine en semaine, sa grille est extrêmement constante. Seuls quelques matchs de football viennent la perturber. TF1 est donc non seulement homogène du fait qu’elle ne diffuse que certains types de programmes, mais elle l’est aussi du fait qu’elle les diffuse toujours aux mêmes moments !

RTL-TVI suit à peu de choses près la même logique (100% de fiction tous les vendredis, par exemple). Toutes deux ont notamment pris pour habitude de diffuser plusieurs épisodes de la même série les uns à la suite des autres (par exemple, trois épisodes de la série Les Experts). Néanmoins, les horaires de RTL-TVI sont plus souples.

C’est La Une qui se distingue encore ici par l’inconstance de sa programmation. Bien entendu, il existe des rendez-vous télévisuels (notamment le magazine du mercredi, qui obtient toujours de bonnes audiences), mais c’est ici que nous constatons le plus de mouvance, de renouvellement. Ce point soulève une question, lorsqu’on parle de « fidélisation », d’« art de la rencontre » ou de « construction culturelle et symbolique de la relation entre la télévision et les individus » [MACÉ É., Les imaginaires médiatiques. Une sociologie postcritique des médias, Paris, Éditions Amsterdam, 2006, p. 81]. Une chaîne publique peut-elle fidéliser son audience tout en variant suffisamment son offre ?

4. Conclusions

Ce travail a pris pour parti d’observer l’offre de programmes sur les trois chaînes « dominantes » de Belgique francophone. Le tout, à un moment-clé de la journée, à savoir la soirée. Prenant pour base la période dite de « prime time », où l’enjeu économique est le plus élevé, du fait de l’audience potentielle importante (et donc du prix élevé des publicités qui l’accompagnent), la question qui s’est posée est de savoir comment ces trois dominantes réagissent en termes de programmation, et principalement en termes de types de programmes.

Nous avons pu constater que ceux-ci nous donnent un bon indicateur, à la fois du type de chaîne étudié (diversité, éclectisme et mouvance sur La Une contre conformisme plus grand sur ses concurrentes), mais aussi du contexte dans lequel elles se trouvent.

En plus de ces considérations, les chiffres obtenus nous mettent face à des problématiques plus générales que celles de ce travail.

Ils posent notamment la question cruciale des stratégies de fidélisation des chaînes, et peut-être par ce biais celle de la santé de La Une, la publique au milieu des privées. La stabilité des programmes serait-il un témoin de l’identité de la chaîne ? On le voit pourtant, La Une prend quelques risques, en osant des documentaires le jeudi, par exemple. Mais sur la période étudiée, ces risques sont à relativiser, car ils figurent souvent en seconde partie de soirée, là où l’audience est moindre… Qu’est-ce qui prime lorsque l’on est tiraillé entre deux logiques ? N’est-ce pas un doux paradoxe que de parler de « télévision publique commerciale » [Hughes LE PAIGE, cité dans COLLARD, Y., « RTBF : privé et public sont sur un bateau » in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Média Animation, 2006, p. 30] ? Plus généralement, quelle est la place des missions du service public si l’on considère que « la télévision se manifeste d’abord comme une entreprise liée aux loisirs et au divertissement » ?

Par ailleurs, il permet de constater l’érosion du cinéma sur ces chaînes, indicateur de l’essor d’autres moyens de visionner des films, de l’offre télévisuelle et des supports médiatiques. Dans ce contexte d’augmentation, de diversification et de spécialisation de la programmation audiovisuelle, il est légitime de se demander quel avenir est réservé pour les chaînes dites « généralistes ». TF1 ne propose en effet pas un panel d’émissions très varié…

Ces résultats sont incontestablement à mettre en lien avec les audiences et les enjeux économiques qu’il y a derrière. Ce n’est pas pour rien que l’on passe peu de documentaires et qu’une grande partie de l’info-culture soit consacrée au sport (et presque exceptionnellement au football, alors que ce n’est pas là où l’on se distingue nécessairement le plus). Ce n’est pas pour rien que les chaînes privées sont davantage marquées par cette tendance que La Une. On pourrait sur ce point les classer sur une échelle, allant de la plus grande diversité (La Une) à la moins grande (TF1)… Ce schéma n’est-il pas transposable à celui de leur positionnement sur l’axe « public-privé » ?

Pour terminer, ce que les résultats de ce travail soulèvent comme problématique, c’est celle de la rencontre de l’offre de programmes et de la demande. Nous avons observé des proportions de types de programmes, en les comparant sur différentes chaînes, et en les mettant en rapport avec leurs différentes logiques. Nous avons par ce chemin abordé principalement le point de vue axé sur l’industrie, la culture de masse. Restent à envisager le public, la réception, ses contextes socio-historiques et sa diversité, ainsi que le lien social qu’il entretient avec les industries culturelles. Or, dans une logique conservatiste où l’on se base sur des programmes « qui ont fonctionné » selon une méthode de mesure tout de même biaisée, tenant peu compte des minorités et de la qualité de ces émissions, des enjeux d’ordre presque « éthique » se révèlent : « Lorsque est survenu l’audimètre, l’indice d’appréciation a été abandonné. Il s’agissait de compter les moutons, pas de savoir si l’herbe était bonne » [ANTOINE, F., « Quand l’audience goûte la différence », in Grilles sur le gril : la programmation télé passée au crible, Bruxelles, Média Animation, 2006, p. 39].

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