Place de la philosophie dans l’éducation aux médias

Quelle place pour la philosophie / l’éthique (des médias) en tant que discipline liée à l’éducation aux médias ?

Des thématiques philosophiques

La philosophie, aux fondements de l’éducation aux médias

L’éducation aux médias interroge notamment le rôle des médias dans la construction des connaissances.

Comme nous l’avons vu, elle amène plus largement à réfléchir aux intermédiaires entre le sujet percevant et la réalité, et qui façonnent ses représentations et ses manières d’agir. Elle part en effet de la thèse que ces intermédiaires ont une place cruciale dans la fabrication des savoirs, et plus largement au sein de l’action humaine.

L’éducation aux médias repose en quelque sorte des questions épistémologiques fondamentales : qu’est-ce qu’une connaissance fiable ? Comment se construisent les savoirs ? De ce fait, elle se nourrit aussi d’épistémologies spécifiques / disciplinaires, comme la critique historique, la didactique, les sciences cognitives…

De même, l’éducation aux médias brasse un ensemble de thèmes relatifs à la philosophie morale, et trouve des ancrages dans la sociologie, l’anthropologie, les sciences de la communication, la psychologie, etc.

Elle invite enfin à réfléchir à l’usage technique et à la réappropriation des outils médiatiques.

Selon les définitions plus ou moins larges du mot « média », l’éducation aux médias peut donc être perçue comme un domaine à l’intersection de ces grands questionnements (épistémologiques, éthiques, techniques et/ou esthétiques), ou encore comme un ensemble les englobant, sous le postulat que tout repose en quelque sorte sur cette question des intermédiaires.

Prenons l’exemple des compétences en éducation aux médias. Celles-ci font globalement référence à trois grands domaines, interconnectés :

  • Cognition et épistémologie. Cela rejoint la question de notre rapport au savoir, à la connaissance « fiable » et à sa pertinence.
  • Social, relationnel et éthique. L’un des enjeux est notre rapport à autrui, à l’action dans le monde.
  • Technique, technologique. L’efficacité, l’utilité, et éventuellement l’esthétique font partie des problématiques concernées.

La philosophie peut être vue comme un outil pour participer au développement de ces compétences dans la mesure où de nombreux liens peuvent être établis entre celles-ci et des problématiques fondamentales en philosophie.

Une méthode d’analyse de contenu basée sur la philosophie

Formaliser et « dévoiler » les présupposés, les finalités, les idéologies

A ce sujet, lire LECOMTE, J., « Une méthode d’analyse de contenu basée sur la philosophie : l’analyse des présupposés épistémologiques et éthiques », 2018.

Une posture philosophique

Délimiter et questionner les concepts, les notions

La philosophie permet de questionner les raisons (le « pourquoi »), de questionner le sens (le « quoi ») : qu’est-ce qu’émanciper ? Que veulent dire les termes « liberté », « fiabilité » ou encore « objectivité » ?

Elle permet de ce fait d’apporter des clarifications utiles à l’éducation aux médias.

Par extension, la philosophie est un outil face aux généralisations abusives, aux contenus fallacieux, à la mise en évidence des idéologies (connotations implicites) ou fausses évidences, etc. Elle offre des éclairages utiles à l’étude des médias, de l’éducation et des paradigmes scientifiques.

Une position « méta »

Une compétence transversale, au-delà de la question médiatique correspond à une attitude de questionnement personnel, socioculturel, sur ses propres tendances, croyances et représentations. C’est l’invitation à une position « méta » que l’on retrouve dans l’idée de métacognition (Piette, Romainville…) ou encore de praxéologie (référentiel de compétences IHECS).

L’importance de cette posture réflexive est soulignée par plusieurs philosophes contemporains qui s’interrogent sur l’agir humain (cf. Arendt et la question de l’habitude à exercer son jugement moral), mais aussi plus spécifiquement par une majorité de penseurs de l’éducation aux médias (Gonnet, Hobbs, Piette…).

Développer la capacité à changer de point de vue : les enjeux de la “décentration”

Une démarche de questionnement, au-delà des contenus ?

La philosophie peut être appréhendée non seulement comme un ensemble de contenus spécifiques, mais aussi comme une démarche de questionnement. Ce dossier est d’ailleurs loin d’être exhaustif en ce qui concerne les thèses liées à l’éducation et aux médias, et plus largement à l’épistémologie et à l’éthique.

L’éducation aux médias a quant à elle pour ambition de contribuer au développement d’une citoyenneté, et donc d’émanciper, d’élever les individus afin de les rendre plus autonomes, responsables, critiques et solidaires. Ces visées font référence à quelque chose de dynamique, en acte(s) et non à des objets qui seraient acquis une fois pour toutes : la pensée critique, entre autres, n’est pas un savoir que l’on possède à vie. Il est par contre possible d’aiguiser son potentiel et de l’exercer, en situation et en contexte, tout comme il est possible de poser des actes responsables, de témoigner de solidarité ou encore de faire preuve d’autonomie (qui plus est par rapport à d’éventuelles aliénations).

En tant que démarche, la philosophie correspond en quelque sorte à un mouvement d’actualisation de la pensée (sans pour autant se borner à un calcul rationnel). Dans cette mesure, le questionnement philosophique est inhérent à l’action humaine, « active, autonome, responsable et solidaire ».