Disciplines, domaines et thèmes philosophiques

Cet article est consacré à la présentation de thèmes et disciplines philosophiques, dans le cadre du cours de Médias, philosophie et citoyenneté (master en éducation aux médias, IHECS).

> Voir aussi : Enjeux et délimitations du cours

Il est difficile de baliser le domaine de la philosophie.

Cependant, si tous les sujets peuvent être questionnés sous l’angle philosophique, certains thèmes de prédilection sont identifiables.

Nous pourrions dire qu’elle s’interroge globalement sur ce qui relève du « moi », du « monde » (la réalité) et d’« autrui », ainsi que sur les relations entre ces composantes (Comment puis-je connaître le monde ? Comment développer des relations harmonieuses en société ? Etc.). Est-ce pour autant en délimiter le domaine ?

La philosophie peut également être considérée comme un ensemble regroupant traditionnellement les disciplines suivantes :

  • l’épistémologie, la logique et la philosophie analytique
  • la métaphysique
  • l’éthique (philosophie morale, philosophie « pratique »)
  • l’esthétique (pas approfondie ici)

Philosophie théorique, épistémologie

L’épistémologie est la partie de la philosophie qui s’interroge sur la connaissance en général, sur les conditions de possibilité de celle-ci : que peut-on connaître, et comment ?

> Voir la catégorie Vérité et épistémologie de ce blog

On distingue encore l’épistémologie générale (le savoir, la connaissance) de l’épistémologie des sciences (le savoir et la démarche scientifiques) et des épistémologies spécifiques à une discipline ou à un ensemble de disciplines (paradigmes et méthodologie / processus d’élaboration et de discussion des thèses).

Les domaines et thèmes de l’épistémologie sont les suivants, entre autres :

  • Connaissance, croyance, représentations, hypothèses, cognition
  • Vérité, vraisemblance, objectivité / subjectivité, neutralité, universalité
  • Langage, adéquation, pertinence, connotations, symbolique et conventions
  • Réel, virtuel, fictionnel, imaginaire, interprétation
  • Fiabilité, crédibilité
  • A cela s’ajoutent les notions de logique, de philosophie analytique : correct, valide, vrai / faux

Questions d’épistémologie

Métaphysique

La métaphysique s’interroge sur l’au-delà de la physique, sur ce qu’il y a « au-dessus », ou « derrière » : qu’est-ce que l’être en tant que tel ? Qu’est-ce que l’existence ? Y a-t-il des entités supérieures ?

Les domaines et thèmes de la métaphysique sont les suivants, entre autres :

  • Être / étant
  • Existence / essence
  • Permanence / changement (// positions politiques : conservateurs versus progressistes)

Philosophie pratique, morale

La philosophie morale, ou éthique, représente quant à elle la partie de la philosophie qui s’interroge sur l’agir humain : qu’est-ce que le bien, et comment y parvenir ? Quelles attitudes doit-on adopter ?

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Comme pour l’épistémologie, on peut conjuguer le mot « éthique » au singulier ou au pluriel.

Elle peut s’interroger sur la morale en général (philosophie morale, éthique « générale »), c’est-à-dire sur les thèmes de la moralité (cf. ci-dessous), ou encore sur des morales particulières (des règles explicites spécifiques).

On parle également de méta-éthique ou d’éthique analytique, lorsqu’elle s’attache à étudier les présupposés de l’éthique, signification de ses concepts, la recherche de ses fondements.

Elle peut être descriptive (décrire une morale, ses présupposés, ses fondements) et/ou normative (rechercher une morale, prescrire, recommander).

La déontologie est en quelque sorte de l’éthique normative appliquée : il s’agit de prescriptions ou recommandations morales, que l’on retrouve également sous d’autres formes plus ou moins coercitives (lois, chartes, règlements, etc.).

Les domaines et thèmes de l’éthique sont les suivants, entre autres :

  • Régulation, règle, norme
  • Devoir-être
  • Liberté, responsabilité, déterminismes
  • Humain / inhumain
  • Valeurs, dont hiérarchisation / système de valeurs
  • Bien, juste, équitable, performant, efficace, utile / fertile
  • Démocratie, démocratisation, citoyenneté, droits de l’homme

L’anthropologie philosophique est régulièrement située entre la métaphysique et l’éthique (Qui est l’homme ? Quelle est sa nature ? Comment doit-il agir ?).

Il convient enfin de noter la porosité des frontières ici esquissées.

Questions d’éthique

Démarche de questionnement philosophique

Comme nous l’avons dit, la philosophie peut être appréhendée de deux manières : soit comme un ensemble de disciplines ayant des thèmes bien définis (ci-dessus), soit comme une démarche de questionnement ayant alors à la fois tous les objets possibles et aucun en particulier, c’est-à-dire qu’elle peut s’appliquer globalement à tous les thèmes.

Cette démarche interroge le sens des choses, leur raison d’être, ce qui les sous-tend, c’est-à-dire les présupposés, les postulats, les enjeux ou encore les valeurs.

« Un présupposé est une affirmation impliquée par une proposition, et sans laquelle elle ne pourrait être valide. Il faut l’expliciter, car il est généralement contenu implicitement dans la proposition »

(TOZZI, M., Penser par soi-même. Initiation à la philosophie, Lyon : Chroniques sociales, 1996).

Or, comme le fait remarquer Mark Hunyadi, les présupposés sont présents dans de nombreux actes et affirmations que nous posons au quotidien :

« […] avec Searle notamment, la philosophie du langage a à son tour mis en évidence comment la compréhension nos actes de langage les plus élémentaires (« le chat est sur la natte ») présupposaient des hypothèses contextuelles d’arrière-plan implicites (comme le montre l’incongruité de cette proposition transposée dans une situation d’apesanteur), et si évidentes pour nous qu’elles n’ont pas besoin d’être thématisées.

D’une manière générale, ce fut une des grandes performances philosophiques du 20e siècle que de mettre au jour l’immense continent obscur de l’arrière-plan contextuellement déterminé des pratiques non réfléchies que présupposaient les moindres de nos activités courantes : […] tout cela présuppose à chaque fois un véritable continent enfoui de « savoir pratique » culturellement imprégné que nous mettons systématiquement en œuvre sans pourtant en avoir une connaissance explicite. […] ce faisceau de philosophies convergeait vers cette idée commune que tout savoir émerge du contexte culturellement façonné d’un non savoir, ou d’un hors-savoir [un « savoir insu »] qui le « surdétermine », c’est-à-dire le détermine de plus loin que ce que la conscience immédiate de ce savoir en révèle ».

Une idéologie correspond à un « ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe et qui oriente l’action ».

Nous ajouterons avec Ricœur qu’une idéologie comporte une dimension de dissimulation d’elle-même : elle est le processus par lequel un individu ou une classe témoigne de sa condition tout en ignorant qu’il en rend compte. Les idéologies représentent un enjeu fondamental en philosophie et en éducation aux médias. En effet, dans la mesure où elles orientent l’action de manière « inconsciente », la prise de conscience et l’analyse de celles-ci permet d’élargir la réflexion philosophique. Un des enjeux de ce cours vise à prendre conscience des présupposés épistémologiques et moraux à l’œuvre en éducation ou dans les médias.

La philosophie pose en outre la question du sens : à quoi cela sert-il, qu’est-ce que cela signifie ?