Parallélisme entre 4 philosophies en trois temps

Comparaison de thèses de Paul Ricoeur, C. S. Peirce (lu par Apel), Sigmund Freud et G. W. F. Hegel.

Ricoeur (1)

Peirce, lu par Apel (2) Freud

Hegel

Idem : le même (mimésis 1 : le temps « préfiguré »), c’est une vision « intuitive » du monde, une première appréhension de celui-ci

Lecture « iconique » du monde, par une appréhension première : moment de la phénoménologie (approche artistique, sensitive, etc.)

 

Pulsions, temps de l’inconscient, du « ça »

 

L’être est, sans conscience qu’il est
Différent : la différence (mimésis 2 : le temps « configuré »), c’est une vision construite du monde, notamment par nos idéologies, nos « récits fondamentaux ». Il est ici question d’un second type d’appréhension du monde, réalisé selon les « lunettes » que l’on se donne. C’est le temps de l’écriture, de la mise en cohérence du monde. Lecture « indiciaire » du monde, par une appréhension seconde : moment de la science (approche scientifique, observation construite, expérimentation…)

Lieu de la règle, du « surmoi », de la pression sociale, de la grille de lecture culturelle d’une chose, d’un acte, d’un ressenti.

L’être prend distance avec (une partie de) lui-même pour s’objectiver, pour s’observer/s’analyser à partir de ce qu’il n’est pas.
Ipsé : l’ipséité, l’identité (mimésis 3 : le temps « refiguré »), c’est un retour qui englobe l’ensemble des temps, qui est le moment de la réception, de la réappropriation. Une première appréhension du monde et la science/les idéologies/les cultures/les récits/les médias sont reçus par un individu, un « public » ; ils sont lus. C’est le temps d’assumer et de se construire son propre temps, en fonction de cela. C’est ici que s’exerce la liberté. Lecture « symbolique » du monde, par une troisième et dernière appréhension, nécessitant les précédentes. Lieu de la conscience, du « moi », qui agit en fonction des deux entités précédentes, qui mesure son agir en fonction des pulsions et des règles. C’est le lieu de la liberté, du choix réfléchi, de la prise de conscience.

L’être « retourne en lui-même », enrichi de sa prise de distance, opère une synthèse de soi comme un tout, se réévalue intrinsèquement, « subjectivement »

Enfin, il y a l’idée de boucle mimétique (identité = ipséité) chez l’un (Ricoeur) : on a besoin des temps précédents pour aboutir au troisième, mais celui-ci est le point de départ de nouveaux processus. Le temps « refiguré » à un moment donné est le temps « préfiguré » d’une nouvelle dynamique.

Chez Hegel, on parle de processus dialectique : c’est une dynamique et non une « progression » figée.

En bref, on peut à mes yeux établir un rapprochement entre ces philosophies en trois temps. Le premier est le temps du même, d’un « soi sans conscience », d’une appréhension intuitive du monde, « naïve ». Le second est le temps d’une construction par l’homme, d’une « objectivation » de soi et des choses qui l’entourent, d’une mise en récit, d’une linéarisation du temps, de la construction de modèles. C’est le temps des règles, des mises en commun, etc. Enfin, c’est le troisième temps qui prend en compte le parcours opéré dans les moments précédents, qui opère un retour sur soi-même en fonction de son enrichissement. C’est le moment des choix rationnels, des usages, de la critique, du fait d’assumer la liberté. C’est véritablement là le temps du sens.

Ces trois moments forment une boucle, un parcours. Il s’agit d’allers-retours, et non d’une vision figée et aboutie des choses.

C’est en ce sens que je mets en lien ces thèses philosophiques. On peut également dresser des similitudes avec Les 3 étapes de l’apprentissage.

Notes :

(1) RICOEUR, Paul, trilogie Temps et récit. Lire aussi, en ligne : MICHEL, J., « Narrativité, narration, narratologie : du concept ricœurien d’identité narrative aux sciences sociales », 2009.

(2) APEL, Karl-Otto, Charles Peirce : From Pragmatism to Pragmaticism, Prometheus Books, 1995.