Communiquer et sensibiliser : idées reçues, efficacité et éthique

Le cas de la communication dans une asbl

Les idées exposées ici le sont à titre personnel et n’engagent pas mon employeur.

Plusieurs entreprises ou organisations estiment important de définir une stratégie de communication, qui se traduit parfois par la création d’un poste dans ce domaine. Des filières de « communication externe », de « publicité » ou encore de « marketing » existent au niveau des Hautes écoles et des Universités.

Parallèlement à cela, il existe des représentations plus ou moins diverses de ce qu’est et devrait être une « bonne » communication. Qui n’a pas un avis, une opinion, par rapport aux médias et aux techniques pour « bien » communiquer ? Parmi ces perceptions, certaines sont des idées reçues. Dans cette mesure, comment développer une communication et une sensibilisation qui soient à la fois éthiques et efficaces ?

Pour répondre à cette question, nous vous proposons de parcourir les raisons d’être et les limites de quelques préjugés à l’égard de ces fonctions. Celles-ci nous permettront de mettre en évidence des tensions par rapport auxquelles se positionner pour établir une charte de communication.

1. Des idées reçues

En tant que Chargé de communication, j’ai déjà été confronté à plusieurs idées reçues (émanant parfois aussi du monde académique).

D’un coté, ces idées reçues sont donc bel et bien présentes, sous différentes formes, dans une sorte de phantasme plus ou moins collectif. De l’autre, elles le sont parfois de manière floue, accompagnées de nuances, dans la mesure où ceux qui les émettent se rendent compte que la réalité est souvent bien plus complexe. Notre proposition ne consiste pas à les balayer d’un revers de la main, mais plutôt à les décortiquer afin d’en cerner la zone de pertinence et de comprendre les tensions dont elles témoignent.

1.1. « La bonne com’, c’est Coca Cola »

Un des stéréotypes que j’ai régulièrement rencontré consiste à identifier la communication efficace avec celle des marques les plus connues, l’exemple typique étant Coca Cola. Ce point nécessite que l’on s’y attarde particulièrement.

Plusieurs arguments abondent en ce sens et sont bien entendu loin d’être dénués de logique.

Tout d’abord, Coca Cola est en 2012 la marque mondiale qui vaut le plus cher et devance tous ses concurrents (Pepsi étant historiquement le plus « solide », surtout aux USA) en termes de parts de marché.

Or Coca Cola a investi et investit toujours des sommes colossales dans la pub et la communication (plusieurs sites mentionnent un budget de plus de 2 milliards de dollars par an). Cette publicité se décline tantôt via ses ours de synthèse, via le Père Noël ou encore par des stratégies plus communes qui stimulent les pulsions primaires (faim, soif, sexualité…)[1].

> Plusieurs publicités Coca Cola mettent en scène le Père Noël > Lire un article du Huffington Post au sujet du rapport entre les publicités Coca Cola et le Père Noël.

De manière générale, lorsque l’on sait qu’un espace publicitaire en soirée sur une chaine privée comme RTL-TVI se vend plusieurs milliers d’euros les 30 secondes (pour plusieurs dizaines de milliers d’euros sur TF1), on a le sentiment que cela ne peut pas ne pas fonctionner : les marques seraient bien idiotes de dépenser de telles sommes s’il n’y avait pas pour elles une véritable plus-value ! En d’autres termes, si certaines marques qui réussissent y investissent tant d’argent, cela ne peut que marcher.

C’est le raisonnement que va utiliser la presse (écrite ou audiovisuelle) pour vendre ses encarts et espaces promotionnels : « grâce à cet investissement, vous allez toucher une large audience » (et de vous présenter leurs chiffres en bombant le torse : 50 000 lecteurs par ci, 100 000 téléspectateurs par là…).

1.1.1. Coca Cola : un contexte particulier

Un problème majeur de ces raisonnements, du moins en ce qui concerne Coca Cola, c’est qu’ils ne peuvent plus être remis en cause par des faits, et donc ne sont pas d’ordre scientifique[2].

Une des raisons est simple : Coca est un des pionniers de la pub (et se présente d’ailleurs comme tel sur son site francophone). Ses affiches et premiers spots sont nés dans un contexte où celle-ci n’était probablement pas autant marquée qu’aujourd’hui par un climat de méfiance, voire de ras-le-bol[3] et de régulation progressive (volume et intensité sonores, pubs pour le tabac, par exemple). Le contexte actuel est également marqué par l’hyper-concurrence dans la bataille visant à « capter l’attention » des potentiels consommateurs.

Depuis, Coca Cola a acquis une notoriété gigantesque qui en fait un des produits les plus connus du monde.

Par ailleurs, la boisson « Coca Cola » fait partie de ces produits de consommation que tout le monde peut s’offrir, de la grande distribution (c’est-à-dire les produits qui se retrouvent en grande surface), et est effectivement liée à un besoin primaire (ici, étancher la soif).

Présenter un produit qui ne serait pas aussi abordable ou qui n’aurait pas une utilité aussi « basique » que Coca Cola sur le même mode que Coca Cola (ce que certains « professionnels » du marketing conseillent) apparait comme un non-sens lorsque l’on prend en compte ces considérations.

Enfin, Coca Cola est actif dans la publicité depuis des dizaines d’années. Concrètement, si Coca Cola arrêtait brutalement sa publicité aujourd’hui, on ne peut que très difficilement imaginer l’impact que cela aurait sur ses ventes à court et à long termes. Autrement dit, il est impossible de déterminer l’effet et la rentabilité exacts des campagnes Coca Cola, parce que personne ne peut se référer à une situation comparable dans laquelle Coca Cola n’aurait pas fait de campagne. Ces effets peuvent bien sûr être estimés et évalués, comme dans le cadre du lancement d’un nouveau produit, par exemple (et comme nous le verrons ci-dessous). Le propos ici est simplement de dire que de nombreux paramètres font que la recette (communicationnelle) du Coca Cola n’est plus que probablement pas transposable à d’autres marques, produits ou services.

1.1.2. La plupart des organisations et entreprises ne sont pas Coca Cola

Pour résumer cette mise en contexte, il convient de souligner que la plupart des personnes (physiques ou morales) qui souhaitent communiquer ne sont pas comparables à Coca Cola. Elles n’en ont ni le budget, ni la notoriété. De plus, leurs produits ou services sont souvent bien différents, soit par leur prix, soit par leur nature. Quand bien même une entreprise voudrait aujourd’hui se lancer dans la publicité à grande échelle avec un budget proportionnel à celui de Coca Cola, il n’est pas dit que cette publicité serait rentable, non seulement parce que cette entreprise n’a pas le passé publicitaire de Coca Cola, mais aussi parce que le contexte publicitaire en général (de surabondance, de concurrence, etc.) est tout à fait différent aujourd’hui.

C’est pourquoi plusieurs articles ou campagnes diffusés via des médias « de masse » concernant un produit, un service, des actions de sensibilisation sont passés et continueront de passer inaperçus, aussi « bien réalisés » soient-ils. Il ne suffit pas de recopier des techniques qui fonctionnent pour établir une communication efficace.

Aussi, la quantité ne fait pas tout : il ne suffit pas de dire à une grande audience que votre produit, votre philosophie ou votre service est le meilleur pour convaincre le public d’adopter un comportement espéré.

1.2. « La bonne com’ doit s’inspirer des pratiques journalistiques »

Un autre cliché répandu est que la communication efficace doit suivre les mêmes règles que celles liées à la rédaction journalistique. Concrètement, il s’agit de critères liés à la clarté d’un texte, à sa compréhension (vulgarisation), mais aussi (voire surtout) de « règles » tacites pour augmenter l’intérêt des lecteurs.

Et là encore, il y a des recettes.

D’une part, au niveau de la mise en forme : entre autres des titres simples et accrocheurs (désormais « Google-friendly » si possible), la brièveté (le format journalistique se veut un format court, qui implique d’aller à l’essentiel[4]), le principe de « l’entonnoir renversé » (ou « pyramide inversée », consistant à parler des faits les plus concrets, les plus proches, les plus spécifiques en début d’article pour ensuite – éventuellement – aller vers ce qui est plus abstrait, lointain ou général), des procédés de mise en récit et de création d’horizons d’attentes, etc.

D’autre part, au niveau des contenus : ce qui compte notamment, ce sont les scoops, l’immédiateté, la proximité, l’événementiel… Ainsi en est-il d’un des principes cyniques, prenant en compte le « nombre de morts au kilomètre ».

Une des dérives du journalisme revient à adapter la communication à ce que (l’on pense que) le public veut (au niveau du « plus petit commun dénominateur » de ce « public » pris comme un tout). En somme, il faudrait lui fournir du prémâché, pré-pensé ; du démagogique, qui correspond à ses attentes, ses centres d’intérêt, et mis en forme de manière à attiser sa curiosité reptilienne.

Mise à jour 06/2017 : Ignacio Ramonet, « S’informer fatigue », Le Monde Diplomatique, 1993.

Là encore, il convient par conséquent de séparer le bon grain de l’ivraie. S’il ne faut certainement pas rejeter en bloc certains de ces conseils, il est également hâtif d’ériger ceux-ci en lois absolues. En effet, la présence d’acteurs tels que Mediapart, Owni (qui a malheureusement cessé son activité) ou encore XXI (mais aussi des sites plus spécifiques, comme Acrimed ou @rrêt sur images) montre que le journalisme peut aussi s’attarder sur des questions et analyses de fond, qui ne dépendent pas totalement d’un effet de mode, d’une préoccupation basique (Combien gagne mon voisin ? Comment les autres vivent-ils leur sexualité ? Etc.), d’une actualité ou d’un événement « chauds ».

1.3. « La bonne com’ doit innover »

Une croyance répandue qui est liée aux constats précédents (et à certains « échecs » de recettes plus traditionnelles) est qu’une bonne communication doit innover, notamment pour surprendre, mais aussi parce que les canaux de consommation de l’info changent. Il faudrait s’y adapter.

Ici encore, il serait hâtif d’ériger ceci en vérité absolue. Dans le milieu journalistique, justement, Mediapart a récemment montré avec l’affaire Cahuzac qu’un certain « journalisme à la Tintin » n’est pas mort, contrairement à ce que certains prétendent.

En 2012, ceux qui ont vu Facebook comme la panacée pour favoriser une communication ciblée et participative déchantent également.

De plus, paradoxalement, les appels à l’innovation se caractérisent plus souvent par un recopiage grégaire des « buzz » observés chez autrui que par une véritable créativité. Autrement dit, les « champions » de la communication copient ce qu’ils perçoivent comme révolutionnaire, mais ce qui l’est véritablement est plutôt de l’ordre de l’anecdotique.

En bref, s’il ne faut pas négliger les nouveaux canaux et les opportunités qu’ils offrent, il est également précipité de s’extasier béatement devant toute innovation[5]. L’innovation n’est pas une fin en soi.

1.4. « La bonne com’ est virale »

Ce qui compte, c’est de faire le buzz, comme les « mèmes Internet » par exemple. On est toujours ici dans le principe de quantité, avec cette fois la notion de partage et de « bruit » social. L’idée, c’est que les contenus puissent être propagés, partagés, commentés, « likés » par un grand nombre de personnes.

Ce qui est (perçu comme) viral, ce sont notamment les petits chats et autres animaux mignons ou rigolos[6], les blagues en images, les citations et proverbes, les photos choc, les courtes vidéos, etc. En somme, ce qui semble marcher, en général, c’est le divertissement, dans un format court et facilement transférable, principalement de type visuel (images, dessins, photos, vidéos).

Cette logique poussée à son extrême invite à aller jusqu’au « bad buzz ». Comme le pointe @rrêt sur images à propos du tollé provoqué par une des couvertures de l’Express : « le plus intéressant, dans la justification de [Christophe] Barbier, est une autre phrase : en substance, dit-il, peu importe le bad buzz. Le bad buzz est toujours du buzz. Qu’on parle de moi en bien ou en mal, pourvu qu’on en parle ».

En somme, cela revient à identifier la communication à une fin en soi : peu importe ce qu’on communique, pourvu qu’on communique.

Cependant, si les « bad buzz » ont peut-être un effet positif sur les ventes à court terme, rien n’est moins sûr sur le long terme : il est ainsi possible de discréditer progressivement un titre, une chaine ou un produit[7]. Lorsqu’une chaine de télévision publique sacrifie des émissions culturelles au profit de séries pré-formatées qui ont du succès sur d’autres chaines, on est en plein là-dedans : quid de l’impact sur son image et sa réelle plus-value ? Dans quelle mesure cela ne nuit-il pas à la fidélisation de son public ?

Sans pousser le vice aussi loin, jusqu’où la « mise en forme » du contenu pour rendre celui-ci attrayant et « massivement consommable » peut-elle dénaturer ledit contenu ? Il n’est alors pas seulement question de mauvais buzz : pourquoi ne pas tout simplement remplacer le message et/ou le logo de mon entreprise par une photo ou une vidéo de petits chats rigolos, afin de nous faire connaitre[8] ?

A ce moment-là se pose notamment la question du sens de la communication : cette « visibilité » ou ce partage viral sont-ils bien des fins en soi ? Sont-ils profitables à la personne, l’entreprise ou l’association, non seulement en termes d’effets immédiats, mais aussi et surtout dans une optique de durabilité, à moyen et à long termes ? Correspondent-ils à l’image que celle-ci souhaite donner ? D’ailleurs, tout contenu doit-il être massivement relayé, ou juste relayé aux personnes qu’il concerne ?

1.5. « … Oui, mais l’éthique dans tout ça ? »

Vient alors la question récurrente de l’éthique, non seulement dans le monde associatif, mais aussi, de plus en plus, dans le monde entrepreneurial, où l’on se rend compte qu’une partie du public n’apprécie pas spécialement d’être réifiée à la somme d’argent potentielle qu’elle représente, que certaines « recettes » peuvent créer de l’usure chez le consommateur ou encore que les bad buzz peuvent être nuisibles à moyen terme…

Un des travers de ce questionnement consiste à reléguer toute communication à quelque chose d’immoral, en multipliant les remises en cause. Peut-on communiquer pour vendre un produit ? Peut-on mettre en scène une situation choquante pour attiser la curiosité du public ? Faut-il faire de la communication « offensive » ? Est-ce bien moral de ne raisonner qu’en termes d’efficacité ? Ainsi de suite, les « recettes » (et leurs fondements) peuvent être énumérées et critiquées.

Les débats peuvent très vite s’avérer interminables. Une manière d’y répondre est d’adopter un positionnement de principe, notamment via une charte de communication. Nous abordons des pistes qui vont en ce sens dans la seconde partie de cet article.

1.6. « Il n’y a pas de recette en com’ »

Un dernier « prêt-à-penser » relatif à la communication découle de ces dernières observations. En somme, puisque chaque recette a ses limites et qu’il y a un équilibre à trouver entre éthique et efficacité, entre fond et forme, entre s’inspirer et innover, alors il ne serait question que de choix subjectifs. Ainsi, toute communication se vaudrait : il n’y en aurait pas de plus efficace ni de plus éthique que les autres.

Le raisonnement proposé n’est pas valide. En effet, ce n’est pas parce que certaines formules ne fonctionnent pas dans certains contextes qu’aucune formule ne fonctionne, dans aucun contexte : il n’y a effectivement pas une recette unique, simple et absolue, mais bien des éléments à prendre en compte. Il est vrai par contre qu’il ne suffit pas de définir des objectifs et d’adopter des stratégies pour s’assurer le succès auprès du grand public.

2. Des positionnements en conséquence

En conséquence des tensions évoquées ci-dessus, il peut être intéressant de formaliser une politique ou du moins une charte de communication. C’est également une manière de se positionner au niveau éthique.

Ci-dessous, j’expose les principes sur lesquels je me base en tant que Chargé de communication. Je m’exprime ici à titre personnel.

2.1. « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi »

La première « règle » que je me fixe pour communiquer correspond à cette maxime : « si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ». Certaines tendances peuvent donner l’impression qu’il faut à tout prix communiquer beaucoup à de larges audiences.

Or, ce n’est pas pour rien que l’on parle aujourd’hui d’« économie de l’attention » : face à la masse de données communiquées, aux affiches publicitaires et autres spams, tweets ou popups, il est difficile pour l’usager de garder un peu de « temps de cerveau disponible ».

Le contrepied de cette tendance, pour le producteur ou le diffuseur de contenus, ce n’est donc pas d’être partout à la fois, de réagir à tout-va, mais au contraire de ne s’exprimer que lorsqu’il y a une véritable plus-value à le faire. Il s’agit de ne prendre la parole que lorsque celle-ci a véritablement quelque chose à apporter, du point de vue du public. Ce « plus », je l’envisage d’un point de vue qualitatif.

2.2. La qualité avant la quantité : la « plus-value public »

En lien avec le principe de « savoir se taire », il est question de miser sur l’expertise, le professionnalisme et la spécificité. Autrement dit, par rapport à un domaine d’expertise, il vaut mieux tenir un propos très pointu à dix personnes concernées par ce thème que de tenir des discours généralistes / démagogiques / peu renseignés ou flous, destinés au tout-venant sur n’importe quel sujet qui y serait vaguement lié.

Ce raisonnement est corolaire à celui de Cyrille Frank (Mediaculture.fr), qui déconstruit l’idée selon laquelle un contenu médiatique doit nécessairement être simpliste et présenté uniquement en fonction des attentes et habitudes de consommation du public : « Au risque de me répéter, s’il faut donner au public ce qu’il veut, il faut aussi lui proposer ce qu’il ne sait pas encore qu’il veut » (source). Ou encore, dans son article « Les impostures de l’écriture web », il propose de trouver un équilibre « entre l’austère plat de haricots “politique internationale” et l’indigestion de bonbons Haribo “faits divers ou people” […] Cet équilibre complexe est ce qu’on appelle une ligne éditoriale ». Pour moi, cela correspond au pari de ne pas considérer le public comme étant une masse passive, ingurgitant des informations prémâchées et de qualité médiocre, incapable de comprendre la complexité.

Là encore, il est par conséquent question d’une plus-value qui se situe au niveau du public. Lorsque l’on regarde l’évolution de Facebook, on constate qu’à ses débuts, le réseau misait sur une communication purement qualitative, voire élitiste : très sélectif, sans publicité, il offrait une interface appréciable par rapport à un service gratuit. La quantité est arrivée après la qualité, en conséquence de celle-ci. Facebook n’a jamais été autant critiqué que depuis qu’il est entré en bourse, repose sur une logique commerciale (dont découle sa politique de confidentialité) via sa publicité, généralise son offre et est ouvert au tout-venant.

La politique de communication d’Apple est basée sur ce principe, alimentant le désormais traditionnel débat « PC versus Mac » : les produits Apple sont certes plus chers, mais ils sont (présentés comme) plus performants, plus fiables, plus épurés… Coca Cola peut se permettre une communication massive destinée au grand public. Mac doit quant à lui miser sur la spécificité de ses produits[9].

Il est certain qu’il est possible désormais de « faire des buzz », de se faire plus ou moins remarquer par une grande quantité d’individus : réaliser une « flash mob », une campagne de sensibilisation « choc » ou avec des animaux rigolos, ou encore, lorsqu’on a plus de notoriété, faire une blague Carambar organisée par une boite de com’. Cependant, j’ai dans l’idée que ces actions se limitent à du « one-shot » et qu’elles ne garantissent ni la notoriété, ni la visibilité à long terme (et encore moins les bad buzz, qui peuvent pourtant générer une forte émulation). Autrement dit, à mon sens, il importe de ne pas se contenter d’une pensée à court terme, qui ne prend en compte que les retombées immédiates. Est-ce bien intéressant pour une organisation de devoir se réinventer au quotidien à grands bruits ?

Dès lors, il n’est pas question de cesser de penser en termes quantitatifs, mais bien de subordonner ces paramètres à la question de la qualité du message, de l’information, voire du produit (contrairement à la tendance inverse, qui néglige parfois la qualité au profit du buzz).

Comme le dit Alain Gerlache suite au changement de nom de la banque Belfius en 2012, « si une institution financière était solide et qu’elle offrait du 10%, tout le monde y mettrait son argent même si elle s’appelait La Banque des Schtroumpfs ».

De ce point de vue, la communication a un impact sur toute la vision d’une organisation ou d’une entreprise : concrètement, une telle politique implique de ne vanter que des produits ou services qui soient eux-mêmes de qualité.

Ce principe implique une certaine authenticité : pour moi, une communication éthique ne doit pas miser sur une qualité apparente, mais bien sur une qualité effective, réelle[10].

2.3. La communication est relative à un objet au service du public

En lien avec les concepts de « silence » et de « qualité », nous développons l’idée selon laquelle la communication, la notoriété ou la visibilité et le message / l’image auxquels elle renvoie ne sont que des moyens, pas des fins en soi, d’autant plus du point de vue du public[11].

[Entretien] Communication et médias sociaux – Considérations sur le « marketing d’influence »

C’est la raison pour laquelle si l’information, le produit ou le service à propos desquels il est question de communiquer ne « valent pas le coup » en eux-mêmes (du point de vue des potentiels bénéficiaires de ce produit, cette information ou ce service), alors il est probable que ça ne vaille pas la peine non plus de communiquer à leurs propos.

Ce raisonnement est à la base de l’établissement d’une véritable relation de confiance avec le public.

2.3.1. Considérer le public : sévérité et exigence

Concrètement, un produit, une information ou un service peut avoir quelque chose à apporter, que ce soit en termes de satisfaction de besoins, de bien-être / de plaisir / de divertissement, ou encore aux niveaux cognitifs (information, connaissance), culturels (art, esthétique), etc. S’il n’a rien de cela, pourquoi communiquer à son propos[12] ?

La communication à adopter se définit une fois que la plus-value / l’utilité du service, du produit ou de l’information est identifiée. Il convient à mon sens de partir d’un postulat sévère et exigeant : le public n’a a priori ni temps ni argent à consacrer à quelque chose dont il ne perçoit pas le gain potentiel pour lui-même.

La question « pour( )quoi communiquer ? » passe avant la question « que communiquer et comment ? », ce qui en soi est un positionnement éthique.

Cette communication est fonction de plusieurs paramètres[13] :

  • de ce qu’on a à dire, du message (et donc de sa plus-value) ;
  • du public à qui s’adresse cette plus-value potentielle, intéressés ou potentiellement intéressés à cibler ;
  • de notre « identité »[14] (sachant que ce n’est peut-être pas là où il faut mettre l’essentiel de son énergie).

Il convient ensuite de définir le mode de diffusion et de prévoir une évaluation des effets, et donc des indicateurs en conséquence. A ce sujet, il faut toujours garder à l’esprit ses propres hypothèses : ce n’est pas parce qu’on pense que telle information intéressera telle catégorie de personnes que ce sera effectivement le cas. Et vice versa.

Il y a donc intérêt à s’intéresser un minimum au feedback renvoyé par cette catégorie de personnes.

2.3.2. Définir les stratégies en conséquence

Une fois ces critères identifiés, il s’agit alors de définir des objectifs réalisables de communication. C’est seulement à ce stade qu’il est intéressant de réintégrer les différentes « recettes » d’une communication éthique ou efficace. Autrement dit, les stratégies concrètes sont déterminées en aval de la définition d’une politique de communication, et non comme le fondement de celle-ci. Une illustration de campagne qui allie qualité et prise en compte de l’identité et du public est celle menée par LEGO, pour son 80ème anniversaire en 2012 : The Lego Story.

Aussi, lorsque l’on sait qui l’on est, ce qu’on a de plus à dire et à qui on souhaite le dire, les objectifs coulent de source. Il reste à définir les moyens à mettre en œuvre, que ce soit au niveau du temps et des délais ou à celui des ressources monétaires et humaines à disposition. Sur ce point, ainsi que sur l’évaluation des stratégies mises en œuvre, nous renvoyons aux théories existantes, sachant qu’il convient de les « doser » avec un point de vue critique.

C’est seulement dans cette mesure que prennent sens les principes rédactionnels précédemment exposés, tels que la pyramide inversée ou encore le fait de créer des titres, intertitres et chapeaux (cf. par exemple à ce sujet « La rédaction Web », par Frédéric Rauss)…

Ainsi en est-il notamment du critère de proximité évoqué lorsque nous avons évoqué le fonctionnement journalistique. Pour moi, celui-ci n’a de sens qu’en tant qu’il est associé à une réflexion sur les intérêts (avérés ou potentiels) du public : il n’est pas question de faire du voyeurisme ou du particularisme parce qu’il est postulé que cela plait au public de se regarder le nombril, mais bien de faire le deuil d’une communication efficace universelle, qui touche tout le monde à un même degré. Nous renvoyons aux principes de « silence » et de « qualité » développés ci-dessus.

C’est le cas aussi du critère de clarté : il s’agit de répondre aux questions que peut se poser le public (qui, quoi, quand, comment, où…) et d’adapter le langage en conséquence. Cela n’empêche pas d’avoir recours à des procédés narratifs.

2.4. Créer l’événement, mais pas un simulacre

Un principe journalistique lié à l’immédiateté et au scoop consiste à miser sur l’événementiel. Celui-ci suppose que ne sont médiatiques que les faits qui relèvent de l’événement, qui peuvent être mis en récit.

Au-delà de la question de savoir s’il n’y a que ce qui est de l’ordre de l’événement qui peut intéresser les publics (nous avons préféré parler de plus-value), là encore, pour que ce qui est communiqué corresponde à l’institution tout en étant de qualité, un des moyens utilisés est de créer l’événement. En communication, ce n’est pas tant le fait de vanter l’événement, mais l’événement en soi qui compte, au sens où la finalité de l’événement n’est pas la communication en tant que telle. L’événement lui-même est une communication, mais il a une fonction à part entière. Ici, les liens entre la communication et le secteur socioculturel et artistique sont très intéressants.

Un événement tel que nous l’entendons, ce n’est pas seulement un prétexte creux pour continuer à faire de la mauvaise communication. Comme un bel emballage, cela ne sert à rien si au final il ne fait que recouvrir un produit moche. Un événement, c’est une opportunité de faire vivre quelque chose qui amènera un savoir, de l’expérience, du plaisir, des émotions… à son public. De nouveau, c’est quelque chose qui est pensé en termes de « plus-values orientées public ».

Cet événement peut être de l’ordre d’une rencontre, festive ou non (au service d’un message, en cohérence avec ceux-ci, ou encore de la cohésion sociale, du lien humain entre l’organisation et ses sympathisants ou clients), d’une action de sensibilisation, d’un mouvement d’information, mais aussi de la création d’un produit original, d’une œuvre ou encore de la mise en place d’un nouveau service utile au public.

Cela rejoint les autres principes évoqués : on n’est plus ici dans une vision purement « transmissive », mais dans une dynamique qui suscite l’implication. Compter sur le véritable événementiel (entendu comme plus-value pour le public), c’est compter sur l’interaction et donner une place d’usager critique au public. On ne considère plus ici la masse, mais ceux à qui le communicant s’adresse et qui ont des attentes en termes qualitatifs (avoir de « bons » sujets d’échange / des sujets intéressants, disposer d’une information de qualité / accroitre leur connaissance ou leur compréhension d’un problème qui les concerne, obtenir un produit augmentant leur bien-être / leur plaisir, etc.).

2.5. Sortir d’une logique purement linéaire de communication

En lien avec les considérations précédentes, la communication est encore envisagée par bon nombre de particuliers, d’associations et d’entreprises seulement sous son angle de transmission de contenus : elle se limiterait dès lors à un message que l’on transmet linéairement de l’organisation à un ensemble (une « masse ») de récepteurs.

Réfléchir à la plus-value du message pour le(s) public(s) est déjà à mes yeux une manière de nuancer ce modèle. Plus loin encore, il est possible que la relation établie avec ce public devienne plus interactive / participative. Cela ne signifie pas nécessairement que tout doive passer par une interface multimédia et des technologies complexes, et encore moins de faire de l’interactivité une fin en soi, mais simplement de s’assurer que chacun des « récepteurs » puisse à son tour prendre part à la communication, dans une certaine mesure[15]. Tout du moins, aux événements qu’elle génère. La dynamique de communication informelle (échange entre pairs : « bouche-à-oreille », notamment) n’est pas à négliger[16].

2.6. Mesurer les effets de la communication au-delà du court terme

Parallèlement à cette idée et comme évoqué précédemment, il me semble également intéressant de ne pas prendre en compte uniquement la vision à court terme de la communication : s’il est question d’une relation avec des interlocuteurs et non seulement d’une transmission publicitaire supposée créer un désir immédiat, l’enjeu dépasse de loin un spot télévisé ou une campagne de sensibilisation.

2.7. Miser sur la relation réelle / personnaliser le contact

Enfin, en guise de dernière piste de positionnement évoquée ici, évoquons le fait de miser sur la relation réelle, de personnaliser le contact et l’interaction.

Ce point est évidemment en lien avec les réflexions précédentes. Par exemple, le fait de créer des espaces de rencontre et d’échanges, comme lors de salons, de formations, de conférences ou de journées portes ouvertes, implique une rencontre réelle avec l’usager. C’est le moment d’échanger inter-individuellement avec le public, et donc de recueillir son feedback et ses attentes.

Au sujet du développement d’une relation réelle, il ne s’agit pas de dire que tout ce qui se passe via les réseaux sociaux ou les médias en général n’est que virtuel. Plusieurs penseurs se rejoignent pour dire que certains types de relations par médias interposés ont des caractéristiques bien réelles. A contrario, le risque est une vision « technophile » où l’on se jetterait aveuglément sur les « nouvelles technologies » pour être à la page. Internet a le point fort de proposer un accès rapide et gratuit, une mise à disposition de l’information ainsi que des mises en réseaux et en contacts facilitées. Il ne faut pas néanmoins espérer qu’être présent et actif sur les réseaux sociaux ou encore qu’un site, aussi beau soit-il, permettent à eux seuls une plus grande participation / adhésion, sans réflexion préalable sur le sens qu’ils représentent.

Deux travers donc : ne compter que sur les nouvelles technologies alors que d’autres biais sont parfois plus adéquats pour communiquer ou les reléguer à quelque chose de purement virtuel et les rejeter alors que ceux-ci offrent une possibilité d’être présent et d’interagir avec le public dans un certain cadre.

Cette notion de relation réelle renvoie plutôt à un processus authentique de communication qui ne soit pas qu’une transmission entre un communicant bien identifié et une masse diffuse et passive. Aussi, cela implique de fait une personnalisation du contact et de l’interaction : le public est lui aussi bien identifié et se reconnait dans l’intérêt qu’il a à s’approprier le message, à prendre part à la communication. Il a véritablement une place qui lui apporte quelque chose, ne serait-ce que par le fait que l’on s’adresse bien à lui et à ses attentes, et non à quelqu’un d’autre. L’exemple typique de ce que le public abhorre, c’est le spam par mass mail. Un mail personnalisé (encore une fois authentique, et non en apparence, même si cela représente déjà une forme de progrès) a beaucoup plus de chances d’être efficace, parce qu’il est également beaucoup plus pertinent et instaure une relation.

3. Conclusion

« Le Titanic n’avait pas un problème de communication, il avait un problème d’iceberg »

(The Titanic had an iceberg problem. It did not have a communications problem – Paul Begala)

La communication a parfois bon dos lorsqu’on cherche à expliquer les raisons de l’échec d’un produit, par exemple… L’idée phare de cet article consiste à postuler que si le public est satisfait de ce qu’il reçoit, il se transforme lui-même en quelque sorte en chargé de communication. Dès lors, il nous semble primordial de travailler d’abord sur la satisfaction (effective ou potentielle) du public avant de travailler sur les relations presse ou sur les stratégies de ciblage et de « mise en forme » de l’information, par exemple[17].

Plutôt que d’appliquer aveuglément des recettes toutes faites, copiées-collées sur base de la réussite de campagnes comme Coca Cola, de pratiques ambiantes du journalisme ou encore d’effets de mode et autres thèses marketing simplistes, il s’agit de véritablement s’interroger sur la plus-value de la communication pour celles et ceux qui y prennent part.

Sur cette base, nous proposons six principes, tous étroitement liés, reflétant nos prises de position : pouvoir garder le silence, miser sur la qualité avant la quantité, considérer la communication comme relative à un objet au service du public, créer l’événement avec une réelle finalité, sortir d’une relation purement linéaire et transmissive de la communication et enfin miser sur la relation réelle et personnaliser le contact.

Ces positionnements répondent à la fois aux problématiques éthiques (qualité, authenticité / adéquation entre la communication et l’identité, confiance, utilité, etc.) et au questionnement relatif à l’efficacité (prise en compte de l’intérêt pour le public, implication de celui-ci, développement d’une réflexion de politique globale préalable, mesure des résultats…) ; vis-à-vis des tensions auxquelles renvoient ces concepts.

Bien sûr, encore faut-il faire en sorte d’adapter ce cadre théorique aux nécessités et aux contraintes concrètes du terrain…

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[1] Pour ceux qui souhaitent approfondir ces considérations :

[2] Pour ce raisonnement, je me réfère au critère de réfutabilité énoncé par Karl Popper.

[3] Combien de fois n’ai-je pas vu citée la phrase culte de Patrick Le Lay concernant le temps de cerveau disponible ? N’avez-vous jamais vu cette affiche qui dit « tous les jours, je lave mon cerveau avec la pub » ?

[4] Ce qui explique en partie la traditionnelle « langue de bois » que Cyrille Frank questionne très bien au niveau politique. Selon lui, l’info politique grand public est si pauvre pour la simple raison qu’il est demandé aux acteurs de réagir sur de nombreux sujets en quelques secondes. Il n’y a pas place pour les arguments de fond et la complexité, et donc les politiques se limitent à répéter comme des disques rayés les grandes lignes de force de leurs idées ou idéologies.

Cf. Pourquoi l’info politique grand public est-elle si pauvre ?

Cyrille Frank propose un modèle alternatif face à cet impératif de format court : Médias et informations : sale temps pour la complexité ou encore Les impostures de l’écriture web

[5] Il est possible d’approfondir encore davantage cette thématique.

  • D’abord, par définition, l’impact d’une innovation est difficile à prévoir (ce qui est innovant relève du « jamais-vu » et est donc au moins en partie imprévisible) : il peut être bon comme mauvais.
  • Aussi, une innovation n’en est plus tout à fait une dès lors qu’elle advient, ou du moins lorsqu’elle est copiée. Poussé à l’extrême, ce raisonnement signifie qu’un instant après avoir innové, une chose n’innove déjà plus. Ainsi en témoigne le « old » sur Internet, expression qui dénigre toute intervention ou pratique qui est « en retard » par rapport à une actualité ou une innovation. Cette critique est elle-même à nuancer. Par exemple, Red Bull a fait fort en 2012 en sponsorisant le plus haut saut en parachute de l’histoire (Projet « Red Bull Stratos »), diffusé en direct notamment sur Youtube. Il y a une chance que cette pratique se banalise dans l’avenir et perde donc de son impact en tant qu’innovation, mais ici, on voit bien que le caractère novateur ou non n’est certainement pas le seul critère pour juger du succès d’une telle initiative.
  • Enfin, notons qu’en pratique, devoir innover perpétuellement est difficilement tenable.

[6] Voir à ce sujet un article à la fois bien documenté et ludique, par Vincent Glad (2011) : « Les chats ne sont pas les rois de l’Internet ».

[7] Un sujet qui fait le buzz est un sujet à forte valeur de socialisation. Plusieurs personnes échangent concernant des célébrités de la téléréalité en des termes peu élogieux. Cependant, pour en parler, il faut les connaitre. Pour participer à la dénonciation sociale de Nabilla, il faut savoir qui est Nabilla. Le but ici, c’est le lien social. On peut ainsi créer une émulation sur quelque chose d’unanimement critiqué : l’idée d’un buzz qui fonctionne, c’est de donner un sujet de conversation aux gens, ou du moins de traiter d’un sujet qui participe aux échanges qu’ils ont (avec toute la question du dosage : quand les gens se lassent d’un sujet, celui-ci peut desservir le média). Pour approfondir ces considérations, cf. notamment la théorie dite de l’« agenda setting » (en).

Le problème majeur survient quand le buzz est identifié comme une manière de procéder : s’il s’agit de multiplier les buzz pour faire le buzz (ce dont ne se cache pas Christophe Barbier), cela risque de se retourner contre celui qui les utilise. La dénonciation risque en effet de glisser du sujet que le média met en avant vers le média lui-même (c’est ce qui se passe avec L’Express), ce qui est beaucoup plus problématique en termes d’image…

[8] Voir cet exemple typique, réalisé par Bouygues télécom en 2011 : « Bouygues Telecom présente les chatons Telecom » (vidéo).

[9] Nous avons souligné que la plupart des communicants ne sont pas Coca Cola. Cela vaut bien évidemment aussi par rapport à Apple.

A noter aussi que tant Coca Cola qu’Apple font régulièrement l’objet de railleries diverses.

Ainsi, les sodas de type Coca Cola sont pointés du doigt lorsqu’il est question d’obésité ou de santé. Les produits « light » sont quant à eux victimes des polémiques sur l’aspartame. Les publicités qui associent le Coca Cola et un physique athlétique sont par conséquent évaluées avec beaucoup d’ironie.

Quant à Apple, cette affiche de contre-campagne résume bien la critique dont la marque est l’objet. Si Apple mise dans ses discours sur la qualité, il n’est pas garanti que cette qualité soit bien effective, réelle. Ainsi, l’affiche compare un « Coffee » et un « iCoffee » tout à fait identiques, si ce n’est que le premier coute 4$ tandis que le second en coute 12. Le slogan de l’affiche signifie « ne soyez pas iDiot » et est accompagné d’une pomme barrée. Ce qui est pointé ici face aux deux marques est la dissonance entre leurs discours et le réel.

[10] Cela implique à mon sens que la communication doit se mettre au service de la politique de qualité générale de l’entreprise / l’organisme. Celui qui porte cette fonction peut ainsi émettre des suggestions pour améliorer l’efficacité ou l’utilité d’un produit ou d’un service, la véracité et la pertinence d’une information, etc.

En cas d’inadéquation entre la qualité apparente et la qualité réelle, l’image perçue de l’organisme peut en pâtir. Une illustration de ce cas de figure se trouve dans les fast-foods dont les photographies promotionnelles sont régulièrement raillées.

[11] Concernant les stratégies concrètes évoquées ci-dessous, cf. notamment l’ouvrage synthétique suivant : LIBAERT, T. PIERLOT, J.-M., Communication des associations, Paris : Dunod, 2009.

[12] Cela renforce la considération selon laquelle l’authenticité (la sincérité, la transparence) est importante : mentir sur la plus-value d’un produit ou d’un service, c’est négliger totalement la finalité de ce produit ou de ce service du point de vue du public.

Par exemple, il ne suffit pas de dire à un potentiel donateur que par son geste, il agit à son échelle, mais de lui montrer que c’est réellement le cas. S’il n’a pas le sentiment authentique d’agir grâce à la mise en avant d’un travail correspondant à des valeurs qu’il estime importantes et/ou de résultats sincères et transparents, cela vaut-il vraiment la peine pour lui d’effectuer un don ? Il n’est pas question ici de se limiter à la rhétorique qui pourrait lui donner ce sentiment, mais bien d’agir sur les raisons réelles qu’il y a à le faire.

[13] Cf. le questionnement de Lasswell : « qui dit quoi à qui par quel canal et avec quel effet ? ».

[14] Au sujet de l’identité, cela vaut le coup de prendre le temps d’une réflexion préalable, éventuellement collective (surtout dans les structures organisationnelles) qui débouche sur une charte, une politique de communication (plus ou moins formelle).

Une telle réflexion a priori permet d’optimiser la prise de décisions au cas par cas : les fondamentaux ne sont pas à rediscuter à chaque campagne de communication. Il est par contre important de les clarifier.

Lorsque cette réflexion est collective (et axée sur une production concrète, sur laquelle il convient de se mettre d’accord – Dans le cas contraire, elle risque d’être stérile et récurrente), elle peut s’avérer éclairante et fédérative en termes de communication interne.

[15] Dans ce cadre et parallèlement à la question de l’authenticité, il est intéressant de donner la parole au public pour recueillir son avis. Si les produits et services qui leur sont fournis sont réellement de qualité, cela a au moins autant de sens que de rester dans une optique transmissive où l’entreprise, l’association ou la marque vante elle-même ses propres mérites. En ce qui me concerne, j’ai une préférence pour mettre en avant des témoignages et surtout des ressources, destinés à des cercles d’usagers plus ou moins restreints. Je procède également à plusieurs coups de sonde par an auprès du public afin d’obtenir leur retour critique quant aux diverses actions entreprises.

[16] Les travaux de Kurt Lewin ou encore de Paul Lazarsfeld – entre autres, bien sûr – témoignent de l’importance des échanges entre pairs dans les processus d’influence.

[17] [EDIT 2014] C’est ce que fait Cyrille Frank – encore lui – dans son billet Redonner de la valeur aux contenus éditoriaux : le nouveau mix marketing. Lorsque nous parlons ici de « plus-value » ou de satisfaction du point de vue du public, celle-ci ne se situe pas uniquement à un niveau « cognitif » socialement valorisé, de « savoir noble ». Dans son article, Cyrille Frank enjoint à soigner le « bénéfice-lecteur » et propose pour ce faire un modèle dit des « 4P » : « plaisir », « pensée », « pratique », tous 3 reliés au « partage », à la socialisation. Il analyse également le partage des contenus sous l’angle du plaisir et de l’image de soi qu’ils suscitent.