Aujourd’hui, exceptionnellement, j’ai pris avec moi 2 exemplaires de mon premier livre pour m’accompagner lors d’une petite conférence… Il date de 2012 et à l’époque, il m’a appris des choses sur le monde de l’édition.
On pourrait croire que « le livre se meurt » depuis l’essor d’Internet, mais en fait jamais autant de livres n’ont été édités que ces dernières années (cf. quelques chiffres de 2017). Le modèle économique des grosses maisons est le suivant : on édite en masse à prix plancher avec espoir que certains livres sortent du lot et soient rentables.
Le marché du livre se porte bien, mais surtout pour les gros poissons
Sur 60000+ nouveaux titres édités chaque année en France (68000 en 2017), seule une dizaine de milliers touche les rayons d’une librairie. Les autres doivent « bricoler » avec la communication pour se faire connaître. Plus de 40000 ouvrages n’arrivent jamais dans une librairie (Source : Le Monde, 2018).
Sachant ça, il y a des images qui font “un peu” mal au cœur, comme celles de ces rayons occupés entièrement par le dernier essai rédigé par telle ou telle personnalité politique pour vanter des idées rances, par exemple…
Mon éditeur m’avait prévenu : chaque année, plus de 40000 livres ne seront jamais présentés sur les étagères de certaines librairies. D’autres occupent tout le présentoir. Tout l’espace publicitaire. Toutes les chroniques de presse…
Si vous voulez obtenir certains bouquins, il faut donc en avoir connaissance et le faire commander par votre libraire, ou encore connaître un libraire qui a encore le goût des livres et qui prend le risque de mettre en évidence des ouvrages qui risquent de se vendre moins…
Il y a de très bons articles qui expliquent comment fonctionne l’économie du livre, que je ne vais pas réécrire ici (part de la grande distribution, des éditeurs, des libraires, des auteurs, etc.). En gros, il faut juste savoir qu’il y a plusieurs intermédiaires. Les grands gagnants, ce sont les grandes surfaces qui ne vendent que les best sellers et à qui les maisons d’édition font des fleurs. Les auteurs, les libraires et même les maisons d’édition prennent au contraire un certain nombre de risques, parce que ça leur coûte du temps, de l’argent, ou les deux.
Je vais ici juste parler en tant que « petit » auteur.
Entre 0 € et 3 € par livre vendu
Selon les maisons d’édition (note) que j’ai contactées, je pouvais espérer une rétribution oscillant entre 0 et 12,5% des recettes sur les livres vendus, soit entre 0€ et 3€ par livre (25€) vendu. Pour mon 1er livre, vendu à ±300 exemplaires à ce jour, j’ai touché 0€ (rétribution de 0% jusqu’au 500e livre vendu). Pourquoi l’auteur touche-t-il si peu ? Il faut comprendre que l’éditeur prend en charge les coûts de production, puis les diffuseurs doivent aussi rentrer dans leurs frais… Pour l’auteur, une fois le manuscrit rédigé, la prise de risque est inexistante du point de vue économique, pas pour l’éditeur. Dans cette perspective, il est compréhensible qu’un petit auteur soit crédité d’une marge aussi faible.
Si vous achetez ce livre, il s’agira donc d’un soutien symbolique à mon travail, tout comme vous pouvez me soutenir en lisant et en partageant mon site https://www.philomedia.be

Mise à jour 2022 : Nuance ! La puissance du dialogue peut être commandé dans toutes les librairies de proximité, dans toute la francophonie. Dans certains cas, il est disponible en rayon, mais c’est relativement rare. Vous pouvez aussi le trouver dans de grosses enseignes de distribution ou sur Internet… Comme vous l’aurez compris, les livres vivent notamment grâce au bouche-à-oreille, donc si vous voulez soutenir ce travail, vous pouvez le commenter publiquement (lui attribuer une bonne note sur Internet, rédiger une publication critique positive, etc.), partager l’information autour de vous… N’hésitez pas à en parler à votre bibliothécaire également !
Bien sûr, un « gros » auteur qui assure que son livre sera un bestseller peut tirer bien plus sur les marges, mais autant dire qu’un essayiste peu connu ne peut pas se permettre de vivre de ses livres. Jamais. Dans aucun monde. Et même des ouvrages plus “grand public” comme les romans ou les bandes dessinées offrent un tableau à peine plus joli à regarder.
Plus de 100 millions de livres sont pilonnés chaque année en France
J’en viens au plus trash de mon point de vue. Âmes sensibles et amoureux des livres, s’abstenir. Le pilon.
Des millions de livres invendus sont pilonnés chaque année en France. Ils sont détruits, purement et simplement. 1 livre sur 4 est détruit sans avoir été lu. 142 000 000 de livres en 2015.
> Lire aussi : Le filon du pilon (Youpress.fr, 2007) et « On achève bien les livres », un documentaire sur le pilon (Small et Beautiful, 2014)
Ainsi, 1 livre sur 4 est détruit, et ce sans jamais avoir été lu. Ils sont ensuite recyclés notamment en papier cul, ce qui illustre bien comment on se torche avec les livres (Source : Le livre français : 142 millions de volumes pilonnés en France (en 2015)).
Et figurez-vous qu’ils ne sont pas détruits n’importe comment. Dans certains pilons (je ne sais pas si c’est le cas de tous), les livres sont d’abord entièrement encrés avant d’être broyés. Oui donc non seulement on gaspille, mais on salope bien le travail pour être sûr.
Je terminerai en explicitant que les éditeurs que j’ai rencontrés ont toujours été transparents et honnêtes avec moi : mes constats ne les concernent pas en particulier. Quelqu’un a lu mon manuscrit, parfois plusieurs personnes, j’ai été reçu dans deux maisons d’édition, échangé des courriers, etc. On m’a expliqué directement la réalité du marché (j’ai conservé des courriers où tout ceci est écrit noir sur blanc), les livres qui ne touchent jamais un présentoir, etc. Il s’agit d’une réalité systémique.
Le livre n’est clairement pas le marché le plus lucratif, même les grosses boites prennent des risques en éditant, imprimant et diffusant des livres. De plus, heureusement, il y a encore des éditeurs, auteurs, libraires et autres qui travaillent pour l’amour du livre. Mais il y a quand même des dysfonctionnements majeurs et surtout beaucoup, beaucoup, beaucoup de gâchis…
En résumé…
En France, chaque année, plus de 60000 nouveaux livres sont édités.
La plupart d’entre eux (±40000) ne seront pas visibles en librairie.
Plus de 100 000 000 de livres sont détruits.
Sur un livre vendu, un auteur peut espérer toucher environ 10% du prix de vente (montant brut, et ce sont plutôt de bonnes conditions), car il faut aussi que d’autres intermédiaires s’y retrouvent : libraires, maisons d’édition, imprimeurs, distributeurs…
Par conséquent, si vous appréciez un livre, au-delà des aspects financiers, parlez-en autour de vous !
Les idées et la culture ne vivent que si on les partage.
Une maison d’édition n’est pas l’autre. Certaines accompagnent les autrices et auteurs durant tout le projet pour améliorer le manuscrit. Le texte est alors relu et retravaillé à maintes reprises sur le fond (clarté, structure…) et sur la forme (orthographe, tournures de phrases, mais aussi mise en page, esthétique graphique). Ces maisons prennent généralement plus de risques que les autres, en misant sur la spécificité de leurs ouvrages, leur caractère innovant ou même subversif… Elles doivent ensuite allouer beaucoup de ressources pour communiquer autour de ces bouquins… D’autres maisons d’édition (souvent, plus « industrielles ») misent davantage sur le quantitatif et le « mainstream » : elles publient beaucoup d’ouvrages à moindre frais. Dans tous les cas, les maisons d’édition doivent faire face à des coûts, notamment d’impression, de diffusion et de promotion, et d’autres intermédiaires doivent être rémunérés.