Résumé de mes « prises de position » (2012)

1. En éthique – Philosophie morale

Primo Levi - Si c'est un homme

Primo Levi – Si c’est un homme

En regard de la finitude humaine, notamment sur le plan de la liberté et de la moralité, les enjeux éthiques sont gigantesques. Dans la catégorie éthique, je présente cette finitude éthique tout en proposant en résumé une attitude optimiste, malgré que certains hommes puissent avoir un comportement « inhumain » (qu’on puisse donc douter de l’humanité ; sombrer dans un dogmatisme, un relativisme ou un nihilisme radicaux en morale, etc.), qui remet la relation au centre, c’est-à-dire où chacun se « décentre » pour prêter attention à autrui, et à la relation en elle-même.

Face à l’absurde (ou à la mort), on pourrait se demander si l’humanité en vaut bien la peine : à quoi bon réfléchir à notre place et à notre action dans le monde ? La réponse est un pari : s’il n’y a qu’une chance, même faible, que nos actes puissent faire qu’il y ait un peu plus de « bien », même infime, alors cela vaut le coup d’essayer, de s’engager. C’est un postulat, une croyance que l’on choisit de tenir pour vraie en fonction de ses enjeux, en quelque sorte. En ce sens, c’est également un positionnement relevant du pragmatisme.

Je distingue les personnes (que j’évite de réifier, de réduire à une étiquette) de leurs actes, et ensuite je prône pour porter une attention particulière aux relations et non seulement aux individus. C’est une vision existentialiste modérée, que j’adopte également par rapport à l’intelligence : si l’homme peut être bon ou mauvais en puissance, c’est bien par ses actes, ses comportements, qu’il se choisit. Nous ne naissons pas « anges » ou « démons », intrinsèquement gentils ou méchants une fois pour toutes.

Comme Arendt par rapport à la « banalité du mal », je propose en conséquence une sorte d’éthique « simple », « du quotidien », pour la « paix », dans la mesure où il est question d’exercer son jugement moral, de déployer une attention (à soi-même, à autrui, au monde). Rien n’est jamais acquis, un être humain n’est jamais « bon » ou « mauvais » une fois pour toutes et rien n’est simpliste. Il convient d’être conscient de ces limites, de la finitude humaine, mais également de l’engagement par rapport la possibilité de la transcender.

A ce titre, je m’interroge aussi sur les « terreaux » qui sont fertiles à une prise de conscience et à l’exercice du jugement moral dont parle Arendt, et par extension à tout ce qui, au contraire, contribue à aliéner les individus, à les couper de la réflexion morale. Ce questionnement est donc associé à un niveau plus global, concernant l’organisation de la vie en collectivité.

Enfin, cet engagement face à « l’absurdité », à la possibilité du mal, vaut aussi à plus grande échelle (cf. réflexions de Hans Jonas ou encore sur les guerres en général).

> [Edit 2014] Lire aussi mes articles guerre(s) et philosophie et amour et philosophie, où je développe en parallèle la balise morale du principe de non-nuisance.

Éthique et anthropologie philosophique

2. En épistémologie

Cette partie de mes écrits se caractérise par la recherche d’une attitude humble face aux croyances et à la « connaissance ». La « vérité » est quelque chose de complexe. Il est possible de douter de la capacité de l’être humain à accéder à certaines vérités, voire à ne serait-ce qu’une seule vérité.

Je tâche de trouver ici des voies enrichies entre les positions extrêmes et simplistes (dogmatisme, relativisme…) en défendant un engagement nuancé. J’adopte la métaphore des « points de vue » : chaque connaissance, chaque croyance a une zone de pertinence (elle fait voir quelque chose de la réalité), un domaine de signification, mais aussi des limites, qui sont en réalité sa partie « occulte », sa part de « rejet » (choses qu’elle empêche de voir). En ce sens, ce n’est pas certaines croyances qu’il faut « rejeter », mais justement leur part de rejet, d’occultation d’un enrichissement.

C’est donc une sorte de perspectivisme et de constructivisme modérés : il s’agit à la fois de reconnaitre la finitude (cognitive) de la raison humaine, le fait qu’elle est limitée et que la réalité est perçue et construite par cette raison ; et à la fois de ne pas rejeter pour autant tout ce qui relève de la raison (la science, notamment).

En d’autres termes, d’accord pour dire que la réalité que nous percevons est une réalité construite (par cette perception, justement), mais pas d’accord pour en inférer qu’il faille ne plus faire confiance à nos perceptions, à la science, etc. Il convient par contre d’être très humble vis-à-vis des croyances qu’elles supposent. En ce sens, c’est également un point de vue relevant du pragmatisme. Ce pragmatisme invite aussi à réfléchir la connaissance comme liée (voire subordonnée, dans une certaine mesure) à l’action humaine, et donc à l’éthique. Pour le pragmatisme, une thèse a d’autant plus de valeur que celle-ci est féconde, utile (elle explique des phénomènes et permet de faire de nouvelles prédictions).

Je prône dès lors une sorte de processus dialectique hégélien comme attitude à adopter (il est question d’une lecture personnelle d’Hegel) : la personne en quête de « vérité » (ici située, relative à une « zone de pertinence », et non « absolue » comme la présente Hegel) tâche de s’ouvrir humblement à la différence, à l’altérité, afin de transcender son point de vue initial, de l’enrichir. C’est cette démarche dialectique, dynamique, d’accueil de ce qui apparait comme « contraire » qu’il me semble intéressant de développer, afin d’engendrer un point de vue complexe sur la réalité. J’essaie donc de réhabiliter la complexité et la diversité.

Cela implique une sorte d’éthique de la discussion, du dialogue. A mon sens, les croyances en tant que telles sont moins problématiques que les rapports que les individus entretiennent avec celles-ci (le fait de les considérer comme indiscutables, par exemple). Ce n’est pas pour rien à mon sens que Umberto Eco parle de coopération interprétative entre un lecteur d’un texte et son producteur, tandis que Paul Grice identifie ce même principe de coopération comme fondamental dans la communication, la conversation. Au niveau d’une éthique de la communication et en lien avec les questions épistémologiques, cela implique un respect de cette coopération (parfois difficile, lorsque la discussion est métaphoriquement associée à la guerre). A ce titre, la logique peut représenter un outil efficace, mais il parait intéressant d’y associer une dimension pragmatique (cf. distinction sémantique – syntaxique – pragmatique).

Ainsi, quelqu’un qui fait preuve d’intelligence (une faculté qui n’est pas un acquis une fois pour toutes), selon moi, c’est quelqu’un qui manifeste un comportement d’ouverture par rapport à une certaine « critique » et qui lui aussi « critique », d’une critique constructive (c’est-à-dire qu’ils permettent de construire des jugements différents, qui ne se contentent pas de « détruire » ou d’éviter tout engagement selon une pseudo-neutralité). L’ignorance en soi est omniprésente (un être humain ne peut savoir tout sur tout), mais elle n’est pas un mal. Elle est nuisible lorsqu’elle est couplée à une attitude suffisante ou coercitive. Un enjeu (présent, je l’espère, dans tous mes écrits) est de faire droit à la complexité, à la nuance : ce qui n’est pas évident pour une personne ne l’est pas dans l’absolu…

Lire aussi Développer la capacité à changer de point de vue : les enjeux de la « décentration ».

Vérité et épistémologie

3. Société

Catégorie orientée principalement vers d’une part la « dénonciation » de certaines parties du système qui paralysent l’action ou la gangrènent (aliénation, dynamiques sociales d’exclusion, idéologies identitaires et communautarismes…), et d’autre part pour la facilitation d’une attitude altruiste, d’ouverture, ce qui rejoint les questions éthiques et épistémologiques du blog.

Société

4. Médias

Une des thèses que je défends est que la critique « traditionnelle » des médias et de leur fonctionnement est d’autant plus riche qu’elle s’accompagne d’une attitude de remise en question des rapports individuels et sociaux que nous entretenons avec eux (cf. mon ouvrage, paru en 2012). Autrement dit, analyser les médias, c’est aussi analyser les croyances, les attitudes et les interactions qui y sont liées. Il s’agit de faire la part des choses entre les idées reçues ou les positions orientées et les méthodes pour développer une compréhension des phénomènes médiatiques et de leurs enjeux.

Médias

5. Enseignement

Pour davantage de philosophie (de « questions de sens ») / éthique / morale (mais pas « à la française ») et d’étude critique des médias dans l’éducation (pas nécessairement en tant que cursus autonomes). Je ne pense pas qu’un cours de philosophie et encore moins d’éducation aux médias doivent être des « fins en soi », mais bien des balises pour développer un agir humain (citoyen ?) harmonieux et toutefois critique.

D’ailleurs, comme le remarque Renee Hobbs, « les attitudes et croyances des enseignants vis à vis des médias (love/hate…) influent profondément l’EAM » [éducation aux médias, ndlr]. Pour elle, l’analyse des médias implique de « se pencher sur ses préjugés et sa vision du monde ». Sans cela, l’éducation aux médias pourrait être une sorte de propagande, puisqu’elle ne ferait que refléter la posture de l’enseignant. De toute évidence, de tels cursus, qu’il s’agisse de l’éducation aux médias, de la philosophie ou de l’éducation en général, doivent être réflexifs, c’est-à-dire s’interroger eux-mêmes… On loupe évidemment le coche si l’éducation à une thématique est un prétexte pour remplacer les idées reçues des apprenants par celles des enseignants !

Je suis pour le fait de parler de religion[s], de culture[s] et de philosophie[s] à toutes les orientations philosophiques, afin d’ouvrir chacun à une connaissance d’autrui (ouverture au pluralisme, face aux identitarismes, notamment).

Ma vision concernant l’éducation (mais aussi, en général dans ce blog) se veut contre les discours simplistes. Ainsi, j’aborde des idées reçues et me livre à diverses analyses de questions actuelles : bac à la française, évolution du « système d’aujourd’hui », travaux de groupes, etc. Le tout, dans l’idée d’essayer de « faire sens ».

Enseignement

Pour mettre des auteurs et des concepts sur les différents cheminements présentés, rendez-vous sur la page Lexique, auteurs et concepts.