Le journalisme de solutions – Analyse des présupposés

Article rédigé par Céline Pierre (Twitter) dans le cadre du cours Enjeux culturels contemporains des médias et de l’éducation aux médias (Master en éducation aux médias, Ihecs, 2017).

Plan de l’article

  • Introduction
  • Objectifs et apports du journalisme de solutions
    • Relayer des initiatives citoyennes, faire agir, émanciper
    • Augmenter les ventes
    • Être utile au peuple
  • Débat et polémique
    • Sélection de l’information et prise d’un point de vue
    • Opération de communication, journalisme de promotion
    • Journalisme de Bisounours
    • Des fausses solutions
  • Pistes pédagogiques
  • Conclusions
    • Conclusion de l’analyse
    • Retour réflexif praxéologique
    • Mon opinion sur le journalisme de solutions
  • Bibliographie

Introduction

Un nouveau type de journalisme fait, depuis quelques années, parler de lui dans les médias. Dénommé « positif », « constructif », « d’impact » ou encore « de solutions », cette forme émergente de journalisme prend le parti de mettre en avant les initiatives citoyennes afin de proposer des réponses à des problèmes sociaux ou environnementaux. L’objectif de ce courant est à la fois de susciter l’intérêt du public autrement qu’avec les drames du monde, d’éveiller son engagement à travers des projets constructifs et de le responsabiliser dans ses pratiques quotidiennes.

Avec la multiplication des supports et l’accélération de l’information, le journalisme de solutions propose en plus de l’adaptation de la forme au support (web, télévision, radio, presse écrite), la modification du fond en le traitant d’une autre manière. Le digital permettrait dès lors de ne pas se limiter à rendre compte d’évènements plutôt négatifs, mais de mettre en avant les envies des gens d’avancer et de trouver des solutions.

Cette nouvelle façon de traiter l’information séduit de plus en plus aussi bien dans les médias locaux et internationaux.

La plateforme Sparknews, consacrée à l’amplification de l’impact social international, a créé l’« Impact Journalism Day » qui vise chaque année à rassembler plus de 55 médias leaders du monde entier (El Pais, Le Figaro, Le Soir, Tages Anzeiger, Die Welt, USA Today, Le Courrier de Russie, El Tiempo…) pour qu’ils « partagent le même jour plus de 100 innovations à fort impact social et environnemental positives et inspirantes ».

Selon Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews, les journaux explosent souvent leur vente lorsqu’ils publient l’ensemble des articles rédigés dans le cadre de cette journée internationale. À côté des médias leaders, d’autres médias sont créés avec ce même objectif, comme la revue We Demain, Le Projet Imagine, Le Magazine des Autres Possibles, le film Demain, etc.

L’avenir serait-il alors au journalisme de solutions ? Les journalistes ont-ils une mission plus large que celle du devoir d’informer ? Ont-ils la responsabilité de créer les conditions du changement ? Est-ce que cette manière de traiter l’information serait une façon de se réapproprier le métier de journaliste ? Est-ce qu’un journaliste doit se poser la question de l’impact psychologique de son sujet sur le lecteur avant de le traiter ? Est-ce que les journalistes doivent avoir la « positive attitude » ?

Face à ces multiples questions, il nous semble pertinent d’analyser les présupposés moraux et épistémologiques des journalistes à l’égard de ce courant.

Dans un souci de structure, nous avons décidé d’aborder ce journalisme de solutions selon deux critères différents : d’une part l’objectif et les apports du journalisme de solutions et d’autre part le débat et la polémique autour du journalisme de solutions. Pour chacun de ces critères, nous recensons des paroles de journalistes, de sociologues, de scientifiques et nous tentons d’identifier les présupposés et concepts théoriques qui en découlent. Cependant, cette analyse ne reflètera que de manière partielle et tronquée tous les enjeux liés au journalisme de solutions, mais permettra de poser des balises d’un débat sur cette nouvelle forme journalistique. Ensuite, nous envisagerons quelques pistes pédagogiques en rapport avec ce genre nouveau. Finalement, nous conclurons avec un retour réflexif quant à notre propre pratique en éducation aux médias.

Objectifs et apports du journalisme de solutions

Dans ce premier chapitre, nous aborderons les différents objectifs du journalisme de solution en reprenant les mots de journalistes, essayistes, sociologues concernés par ce courant. À partir de là, nous tenterons de définir les présupposés récurrents de ces personnes et ainsi comprendre les enjeux philosophiques, éthiques, politiques et idéologiques du journalisme de solution.

Relayer des initiatives citoyennes, faire agir, émanciper

Comme dit dans son appellation, le journalisme de solutions a pour objectif principal d’apporter des solutions face à des problèmes sociétaux et environnementaux récurrents en médiatisant diverses initiatives citoyennes, et ce afin de donner les moyens d’agir.

Le Guardian, qui s’est récemment converti à ce type de journalisme en créant une section Half full dans son journal, le définit comme ceci : « Montrer que changer le monde appartient au domaine du possible. Telle est la mission du journalisme de solutions. Ce ne sont pas des ʺbonnes nouvellesʺ, mais un journalisme constructif, centré sur les solutions et les réponses, sans pour autant les approuver. Si nous publions plus d’exemples de personnes qui essaient de faire des choses inspirantes, peut-être qu’ils pourront aussi nous inspirer à faire un monde meilleur ».

Dans cette définition, nous pouvons déceler un point de vue existentialiste. Le journalisme de solutions est une forme de journalisme qui fait confiance en l’action humaine et en son pouvoir de changer les choses. L’existentialisme est une thèse qui affirme que l’homme n’est jamais vraiment « quelque chose », mais il se construit au fur et à mesure de ses actes. Ceci peut être relié à la phrase de Sartre, « l’existence précède l’essence ». L’homme est vu comme un être en puissance qui peut changer s’il en a la volonté.

En lien avec l’existentialisme, nous pouvons nous poser la question de l’exercice d’un jugement moral. Ce journalisme ayant pour objectif d’encourager les actions humaines, il stimule ainsi les citoyens à exercer leur jugement moral. Hannah Arendt dit dans sa philosophie qu’il faut acquérir une habitude à exercer son jugement moral et donc se poser la question de la moralité de ses actes.

En 1994, la Radio Libre des Mille Collines encourageait le massacre des Tutsis en déclarant « il faut tuer les cafards » et en réduisant donc ces êtres humains à des parasites. Ce média n’encourageait pas les citoyens à appliquer leur jugement moral.

Le journalisme de solution, en mettant en avant des femmes et des hommes qui font face à des problèmes et prennent l’initiative, peut confronter le lecteur à ses propres actes, leur sens et leur impact.

Toujours en restant dans une vision existentialiste, cette forme de journalisme permet au lecteur de se rendre compte qu’il existe des solutions et qu’il est donc possible d’agir mieux pour un monde meilleur. Cette croyance rejoint la théorie d’Hans Jonas qui encourage l’être humain à repenser la portée de sa responsabilité. « Agis de façon à ce que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie », propose Hans Jonas (cité dans Lecomte, 2016). Dans ce sens, il est pour lui essentiel de connaître et mesurer les risques avant d’agir.

Le journalisme de solution avec son double impact, comme le dit Baptiste Gapenne, cofondateur de l’Institut des Solutions et des Alternatives, « dénonce et alerte d’abord en parlant des problèmes. Il fait ensuite naître l’envie d’agir en proposant des alternatives ou des pistes de réflexion ».

Le journalisme d’investigation met en lumière les problèmes et permet de connaître et mesurer les risques existants. Ceci peut cependant contribuer à la propagation d’une certaine peur chez le citoyen due à une impossibilité d’agir. Cette peur ne doit pas être envisagée de façon négative, comme le dit Hans Jonas avec l’heuristique de la peur. Celle-ci doit susciter l’envie de comprendre et de découvrir des solutions. Le journalisme constructif offre cette possibilité en mettant l’accent sur les actions possibles, il suscite l’envie d’agir et empêche ainsi l’immobilisme.

Le journalisme de solutions fait aussi confiance en l’être humain et en ses actions. Il s’oppose au fait de « n’envisager l’action humaine dans son ensemble qu’en fonction des destructions, souffrances et guerres qu’elle engendre » (Lecomte, 2016). En ce sens, nous pouvons relier ce courant à une certaine forme d’optimisme. Ce journalisme croit en la possibilité d’améliorer le monde. Il recense des initiatives locales qui, même si elles ne vont peut-être pas changer la face du monde et si elles ont peu de chance de bousculer le système en place, elles peuvent contribuer à une vie meilleure : « pour un seul « petit mieux » possible, cela ne vaut-il pas le coup d’essayer ? » (Lecomte, 2016).

En mettant en avant des solutions, cette forme de journalisme cherche à « donner de la matière pour agir », comme le dit Frédérique Bedos, interrogée par la radio RCF. En ce sens, il met l’accent sur la responsabilité du lecteur. Ce journalisme peut être envisagé comme une façon d’éduquer à la citoyenneté en donnant les clés aux lecteurs pour susciter son engagement et pour agir dans le monde. « Il a pour but de rendre le lecteur autonome et valoriser la solidarité en mettant l’accent sur des projets engagés », ajoute Frédérique Bedos.

Le site Reporters d’Espoirs met aussi en lumière la visée émancipatrice de cette forme journalistique : « En repérant et en relayant les initiatives innovantes et constructives dans les domaines économiques, sociaux et environnementaux, les journalistes et les médias favorisent leur essaimage et peuvent diffuser l’envie d’agir au plus grand nombre ». Le journaliste qui fait des articles de solutions permettrait l’émancipation de son lecteur. Il rend le citoyen plus autonome dans ses actes. Cependant, ce journalisme opte aussi pour certaines solutions au détriment d’autres, comme le dit Isabelle Veyrat-Masson, historienne et sociologue des médias. Ce courant impliquerait alors une certaine forme d’aliénation du lecteur (cf. infra).

Une autre notion que nous pouvons mettre en lien avec l’objectif du journalisme de solutions est celle du pharmakon. Est-ce qu’écrire un article de journalisme de solutions, c’est apporter en quelque sorte l’antidote à un des maux de notre société ? Si l’on s’en tient à sa définition, ce journalisme ne fait que relayer des initiatives citoyennes et ne peut donc pas être considéré comme l’objet.

Le documentaire Demain, par exemple, ne produit rien, mais présente des initiatives citoyennes pour lutter contre le réchauffement climatique. D’un autre côté si le média n’était pas là pour diffuser les informations et pour valoriser ce type d’actions, elles resteraient alors isolées. Le média est donc le remède quand il permet de lier des personnes, des idées et améliore ainsi la société. Cette idée se retrouve sur le site de l’association Reporters d’Espoir : « Chaque problème, chaque difficulté, mettent en mouvement des femmes et des hommes qui font face et prennent l’initiative. Leurs actions peuvent être identifiées puis démultipliées à une vaste échelle, à condition que les médias interviennent pour les analyser et les faire connaître. En repérant et en relayant les initiatives innovantes et constructives dans les domaines économiques, sociaux et environnementaux, les journalistes et les médias favorisent leur essaimage et peuvent diffuser l’envie d’agir au plus grand nombre ». Ceci implique cependant une deuxième question de savoir si le remède est le poison. Cette interrogation sera traitée infra.

Le concept de démocratie culturelle peut également être relié à l’objectif du journalisme de solutions. La démocratie culturelle prône l’égalité. « Les populations sont appréhendées en termes de potentiel et non en termes de manque. Et les diverses communautés comme apports et enrichissements » (Verniers, 2016, support de cours non publié). En médiatisant des actions locales, le journalisme de solutions donne en quelque sorte la parole à tous, que ce soit des petits agriculteurs, des étudiants ou des patrons d’entreprise.

Finalement, un dernier avis à mentionner avant de terminer ce point est celui de Nicolas Blain, créateur du site d’information constructive Courant Positif. Lors d’une interview pour le site d’initiatives positives On passe à l’acte, celui-ci adopte une position qui pourrait être perçue comme dogmatique (et en tout cas moniste) à propos des apports du journalisme de solutions. Pour lui, le fait de donner des exemples d’initiative citoyenne est la seule solution pour faire agir l’être humain : « l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule ! ». Il semble présupposer qu’il existe une seule manière valable de faire du journalisme. L’information constructive permet, d’après lui, « de réajuster la place de l’homme dans le projet. Ce dernier doit devenir la finalité première et ultime de tout projet. Si on fonctionne comme ça, on fonctionnera en bonne intelligence ». Il parait parler sur le ton de l’évidence et un registre moral normatif. Outre cette posture, il s’oppose au matérialisme et revendique une forme de retour à la nature : « l’homme doit retrouver sa place dans le monde, dans la nature, et ce courant positif va lui permettre d’y arriver ».

Augmenter les ventes

Le journalisme de solutions n’a cependant pas l’unique objectif de relayer les solutions. Robin Andraca pose la question sur le site d’@rrêt sur images : « Adhère-t-on au journalisme de solutions par conviction ou simplement pour relancer les ventes de son journal ? ». Beaucoup de journalistes ne nient pas l’intérêt marketing de l’opération, même s’ils confessent aussi un véritable attrait pour le projet. Matiur Rahman, à la tête de Prothom Alo, le quotidien le plus lu au Bangladesh, ne cache d’ailleurs pas son intérêt financier : « Good new is good business ! ». Selon Christian De Boisredon, fondateur de Sparknews, « certains journaux ont explosé leur vente lorsqu’ils ont publié des articles proposant des solutions […] Des journaux vendent même 5 fois plus cher leurs pages de publicité à l’annonceur lorsqu’ils font du journalisme de solution ». Selon Damien Lallemand, responsable du service digital du journal Nice-Matin, le nombre d’abonnés a augmenté depuis qu’il a ouvert une section « solutions » sur le site web du journal. « En janvier 2016, la version numérique comptait environ 4000 abonnés, elle en compte aujourd’hui environ 6200. Une augmentation totalement liée au lancement de l’offre « solutions » ».

Cependant, selon cet autre article du site d’@rrêt sur images, ce succès est à relativiser. Le site prend l’exemple de Nice-Matin et de sa nouvelle section « solutions ». D’après lui c’est une chimère de dire que tous les articles positifs partagés sur Facebook explosent tous les records. La plupart de ces articles se contentent de quelques dizaines de partages et sont ainsi moins partagés que la plupart des articles « classiques » du quotidien. En ce sens, ce site s’oppose à la thèse avancée par Damien Lallemand et Christian de Boisredon en donnant d’autres chiffres et en prouvant donc que l’adéquation entre le discours et le réel n’est pas correcte.

Être utile au peuple

Selon Frédérique Bedos, « le journalisme doit être utile ». Elle ajoute qu’« il faut informer pour susciter la conscience des citoyens ». Elle a une position normative (morale) par l’utilisation de verbes imposant une obligation, un devoir-être (« doit », « faut »). Eric Dupin affirme aussi que « les médias et les journalistes ont une utilité sociale ». Ces deux journalistes ont une vision « pragmatiste ». Le pragmatisme consiste à dire que les connaissances reposent sur des croyances, et en même temps que certains savoirs ont une utilité et permettent d’avoir le pouvoir d’agir sur le monde. Le savoir se situe aussi dans l’utilité et dans l’efficacité des connaissances visées. Il est ici utile de connaitre les initiatives qui existent pour ensuite pouvoir soi-même agir et contribuer à l’amélioration du monde. Cela rejoint la prétention d’émancipation, développée précédemment, ainsi que l’idée que le journalisme peut exercer un rôle de contre-pouvoir (cf. Lecomte, 2016).

Débat et polémique

Le journalisme de solutions ne fait pas l’unanimité. Certains vont jusqu’à dire qu’il ne s’agit plus de journalisme. Ce chapitre abordera les points qui font débat et qui suscitent la polémique dans le milieu journalistique et scientifique lorsque l’on parle de journalisme de solutions. Ce chapitre n’est pas exhaustif, d’autres critiques du journalisme existent certainement, mais nous nous sommes efforcés de recenser les reproches qui reviennent le plus régulièrement. Face à ces critiques, certains prennent le contre-pied et mettent en avant les bienfaits de cette façon de traiter l’information. Nous avons également repris leurs avis. Ensuite, en partant de ces opinions divergentes, nous tentons d’analyser leurs présupposés.

Sélection de l’information et prise d’un point de vue

Interrogés au micro de France-Culture, Isabelle Veyrat-Masson, historienne des médias et directrice de recherche au CNRS, ainsi que Eric Dupin, journaliste et essayiste, affirment que le journalisme de solutions donne un regard biaisé de la réalité en choisissant de présenter une initiative plutôt qu’une autre.

> [Note de Julien Lecomte] Il est intéressant de se demander si les autres formes de journalisme échappent à ce que ces auteurs semblent identifier comme étant de sérieux biais du journalisme de solutions.

D’après Isabelle Veyrat-Masson, « le journaliste est confronté à devoir choisir et son choix sera alors forcément politique ». Par ce discours, ces deux personnes touchent à la notion de la non-transparence de l’information développée par Jacques Piette. Les médias ne sont pas une simple fenêtre sur la réalité. Selon Piette, les messages médiatiques doivent être envisagés comme une construction, une représentation de la réalité. Cette idée rejoint celle du constructivisme. « La connaissance implique l’activité non neutre d’un sujet connaissant, qui juge et apprend à partir d’un point de vue particulier, de ses « pré-jugés » (vus comme des représentations initiales sur lesquelles on s’appuie pour fonder nos connaissances), d’un contexte avec différents intermédiaires qui structurent sa pensée (langages, représentations, sens, médias…) » (Lecomte, 2016). Le journaliste traite les solutions en fonction de ses représentations de la réalité. Il est influencé par ses croyances, son langage… De plus, il existe plusieurs solutions, mais le journaliste sélectionne celles qu’il estime les plus pertinentes. Il est alors dans une posture de perspectivisme non relativiste. Certains points de vue sont plus pertinents que d’autres. On peut donc dire qu’il n’est pas neutre, il est engagé dans son propos.

Cette notion d’engagement amène la question de la neutralité du journaliste. Isabelle Veyrat-Masson dit à ce sujet que « la déontologie journalistique pousse le journaliste à ne pas prendre d’engagement. Celui-ci a une éthique professionnelle qui conduit à la neutralité ».

Cette position peut être rattachée à ce qu’Aubenas et Benasayag (2007) appellent l’idéologie du « fait vrai », qui suppose qu’un journaliste ne fait que rapporter les faits. Selon cette idéologie, le journaliste doit être capable de montrer les faits comme s’il n’était pas lui-même un intermédiaire, comme s’il n’y avait pas de sélection ou de mise en forme de l’information. Il ne doit pas avoir d’opinion politique pour pouvoir être au plus près de l’objectivité.

Aubenas et Benasayag (2007) - http://www.editionsladecouverte.fr

Aubenas et Benasayag (2007) – http://www.editionsladecouverte.fr

Isabelle Veyrat-Masson complète son propos en ajoutant que souvent, « le journaliste qui travaille sur les questions de l’environnement se sent porteur d’un message citoyen éthique, philosophique et écologique et doit alors dénoncer, proposer, intervenir dans l’espace public autrement que par la neutralité journalistique ». Pour elle, le journaliste de solutions est en contradiction avec la logique de la déontologie journalistique si celle-ci se caractérise par une neutralité comme « non-engagement ».

Comme le journaliste travaille sur des solutions, il se sent alors impliqué et peut virer au journalisme militant. « La fonction du journaliste n’est pas uniquement l’agenda-setting, mais aussi la mobilisation citoyenne », ajoute-t-elle. Eric Dupin termine cette discussion en confessant qu’il est difficile pour un journaliste qui veut mettre en avant des solutions de trouver un équilibre entre les journalistes militants et les journalistes dits perroquets « qui répètent l’idéologie dominante ».

Il est donc possible de percevoir une tension entre d’un côté la déontologie journalistique qui pousse à l’objectivation selon ces deux penseurs, et de l’autre côté la mobilisation du journaliste qui, parce qu’il traite de questions environnementales, écologiques, sociétales, etc., aurait tendance à se sentir investi d’une mission de « sauver le monde » et ne pourrait donc pas s’empêcher de donner son avis dans ses articles. Si le lecteur ne se rend alors pas compte que les solutions proposées ne sont qu’un reflet partiel de la réalité, on pourrait alors parler d’une sorte d’aliénation du lecteur.

Opération de communication, journalisme de promotion

Le site arretsurimages.net amène l’idée que ce type de journaliste peut vite tomber dans une forme de promotion ou de communication pour un organisme, une société, une ASBL… Il affirme qu’il arrive que le journaliste ne prenne en considération qu’un seul point de vue sur la situation et ne représente donc pas la réalité. L’exemple que le site donne est celui d’un article dans le dossier sur le chômage du quotidien Nice Matin intitulé « Oui, Pôle Emploi se bouge pour lutter contre le chômage. Découvrez comment ». Arretsurimages.net dénonce le fait que « la parole est exclusivement donnée à la directrice territoriale Alpes-Maritimes de l’agence. Pas un mot d’un syndicaliste de Pôle Emploi, ou encore de chômeurs qui raconteraient leurs relations avec l’agence ». Ceci amène à la question de contre-pouvoir de la presse et des médias importants dans cette thématique. Dans ce cas-ci, le journalisme de solutions ne remplirait donc pas le rôle de chien de garde de la démocratie et serait plutôt au service du pouvoir en mettant en avant des initiatives en accord avec le système en place, des solutions qui permettraient de renforcer le regard positif que l’on porte sur les institutions. Ce type de journalisme ne serait alors plus du côté de l’émancipation, mais du côté de l’aliénation. Le média serait alors aussi vu comme un poison qu’il est possible de relier à la notion de pharmakon.

Journalisme de Bisounours

Plusieurs auteurs affirment que cette façon de traiter l’information n’est pas du « vrai » journalisme. Dans le cas de journalisme de solutions, le journaliste se contente d’être un simple relayeur d’initiatives positives et oublie d’évoquer les problèmes auxquels le monde est confronté. Ce positionnement témoigne du regard que l’on porte sur les médias. Dans une forme d’inconscient collectif, un média qui informe en dénonçant des pratiques ou des décisions prises par des leaders mondiaux a plus de valeur que les médias qui relayent des initiatives locales. C’est la question de la valorisation sociale des fonctions des médias. Pour beaucoup, la fonction informative est la plus importante. Il y a une hiérarchie des valeurs. C’est une position non relativiste. Tout ne se vaut pas, certaines informations sont perçues comme plus importantes que d’autres.

De même, il existe aussi une certaine méfiance des journalistes qui estiment qu’un journalisme qui n’aborde que les bonnes nouvelles n’est pas un journalisme critique. Il ne dénonce pas, il ne « porte pas la plume dans la plaie », selon l’expression du journaliste français Albert Londres, il occulte les difficultés et ne porte pas un regard critique sur le système. Ici, l’idée de contre-pouvoir de la presse est de nouveau présente. Les médias doivent être un vecteur d’émancipation et ne doivent pas conduire à l’aliénation de son lectorat. La presse doit poser un regard critique sur l’actualité et donner les clés aux lecteurs pour développer une pensée réfléchie.

Néanmoins, face à cette critique du journalisme de solutions, certaines personnes répondent que parler des solutions implique forcément que l’on parle des problèmes. L’éditorialiste du supplément Impact Journalism Day affirme que « si les médias ont le devoir de nous alerter, cela ne suffit plus. Les journalistes ont la volonté de relayer plus souvent les réponses apportées aux problèmes. Ainsi, ils médiatisent toutes les initiatives, inspirent et génèrent plus d’impact ». Baptiste Gapenne, cofondateur de l’Institut des Solutions et des Alternatives, confie que « il ne s’agit pas d’un journalisme de « bonnes nouvelles » – et encore moins d’un journalisme qui occulte les difficultés -, mais d’un journalisme qui traite les problèmes sous l’angle de leurs possibles solutions. Si les médias ont l’habitude de parler des « trains qui arrivent en retard », il est tout aussi pertinent de s’intéresser aux solutions pour qu’ils ne le soient plus ». Il est aussi intéressant de relever l’opinion d’Ulrik Haagerup, directeur de l’information de la radiotélévision publique danoise. Pour lui, le journalisme de solutions est bien du « vrai » journalisme. « Le journalisme constructif essaye de renouer avec les racines du journalisme et de donner aux gens la vision la plus exacte possible du monde dans lequel on vit », explique-t-il. Il ajoute que le journalisme consiste simplement à répondre à la question « et maintenant ? » et plus aux 5 questions que l’on apprend en école de journalisme (quoi, quand, où, comment et pourquoi ?). Il explique que cette forme de journalisme s’ajoute à la couverture factuelle d’événements et qu’il n’est pas question de ne faire que ça. La radio et la télévision publiques danoises ne diffusent qu’un à deux reportages de solutions par jour. L’exemple concret qu’Ulrik Haagerup donne est pertinent. Il dit qu’après les attentats du 22 mars en Belgique, la radiotélévision publique danoise a couvert le terrain et relayé des faits. Mais que dire ensuite ? « Comment éviter que nos citoyens se radicalisent ? Comment peut-on lier sécurité avec liberté ? Toutes ces questions sont importantes et sont faites pour faciliter le débat public ». C’est à ce niveau qu’intervient le journalisme de solutions, selon le directeur.

Ces différentes personnes prônent ainsi un pluralisme des méthodes. Pour eux, il existe plusieurs manières de traiter l’information et il est essentiel de les multiplier. Le journalisme de solutions n’est qu’une partie du journalisme. Il serait, selon eux, pertinent de combiner un journalisme factuel, d’investigation et de construction. « En multipliant les approches, la compréhension de la réalité peut se voir enrichie » (Lecomte, 2016).

Aussi bien les défenseurs que les détracteurs du journalisme de solutions mettent ici en avant le rôle des médias « salvateur » et la responsabilité des journalistes qui serait de favoriser l’émancipation du public et la pensée autonome. Cependant, il est intéressant de se demander si ces personnes n’adoptent pas en quelque sorte « une posture normative paternaliste qui feint de s’ignorer ? » (Lecomte, 2016). Ne connaissant pas le fond de la pensée des journalistes cités, il est impossible de le savoir, mais c’est un questionnement qu’il peut être intéressant de se poser.

Des fausses solutions

Lors de l’émission radio Le secret des sources, Isabelle Veyrat-Masson explique qu’il est important de ne pas donner des « fausses solutions », comme par exemple couper l’eau lorsque l’on se brosse les dents. C’est une illusion de croire que ces solutions vont faire évoluer l’humanité, dit-elle. François Siegel, cofondateur du site We Demain, la complète en ajoutant que les solutions ne sont pas globales, elles sont seulement palpables localement. Ces initiatives ont sans doute peu de chance de bousculer véritablement le système capitaliste. On pourrait relier cette opinion à une forme de pessimisme. A quoi bon donner des solutions ? Cependant, chacun des deux intervenants nuance son avis en disant que certaines solutions sont plus pertinentes que d’autres et qu’il est donc intéressant de relayer ces solutions. Il s’agit alors ici d’une forme de perspectivisme non relativiste. Il existe des tonnes de solutions, mais chacune ne se vaut pas. Certaines solutions sont plus valables que d’autres.

Illustration simplifiée du perspectivisme

Illustration simplifiée du perspectivisme

Pistes pédagogiques

Si je devais aborder le thème de journalisme de solutions en classe, je tâcherais de m’inscrire d’abord dans une démarche de questionnement approfondie.

Je tenterais d’abord d’identifier mes présupposés vis-à-vis du journalisme de solutions. En faisant ce travail, j’ai pu recenser les différentes visions de ce journalisme et les présupposés qui en découlent. J’ai donc pu réfléchir à mes propres croyances et développer un avis (je pense) nuancé vis-à-vis de ce courant ainsi qu’une pensée critique. Comme Jacques Piette le dit, il me semble important « d’avoir une connaissance de ses propres processus de pensée » (Lecomte, 2016). Il s’agit de la métacognition. Ce principe de réflexion peut être relié à la pensée de Renée Hobbs qui indique que « les attitudes et croyances des enseignants vis-à-vis des médias influent profondément l’éducation qui en découle » (Lecomte, 2016). Afin d’essayer d’être le plus neutre possible, il est donc pour moi essentiel d’identifier ses propres « pré-jugés ».

Une fois au clair avec mes propres présupposés et croyances, je réaliserais le dispositif suivant en essayant de ne pas me situer dans un mode prescriptif ou normatif. Je suis consciente qu’en disant cela, j’adopte un discours normatif. Je fais un choix pédagogique qui a un impact sur mes méthodes et mes contenus d’enseignement. « Au fondement de [m]a posture (qui se veut) descriptive, il y a du prescriptif » (Lecomte, 2016).

Ce dispositif est pensé à destination des jeunes entre 15 et 18 ans.

  1. Pour débuter l’activité, j’amènerais différents médias qui traitent l’information en proposant des solutions. Ces médias peuvent être de types différents (reportage vidéo, reportage écrit sur le web ou en version papier, reportage radio…).

Entre autres exemples de supports : le film Demain, une vidéo qui met en avant tout ce qui s’est bien déroulé en 2016, le magazine We Demain, le supplément du quotidien Libération Le Libé des solutions, un journal régional dans lequel un article met en lumière des initiatives citoyennes pour résoudre un problème local, ou encore un site qui fait exclusivement du journalisme de solutions comme leprojetimagine.com, etc.

Les apprenants pourraient alors feuilleter les journaux, visionner une partie des reportages vidéo, surfer sur les sites… et se faire une première idée de ce que pourrait être le journalisme de construction.

  1. Je confronterais ensuite ces médias avec des médias qui font du journalisme d’investigation ou simplement du journalisme factuel. Tout ceci sans dire aux apprenants qu’il s’agit de formes journalistiques différentes.
  2. À partir de là, j’amènerais les apprenants à essayer de définir ce qu’est pour eux le journalisme de solutions, quels seraient les avantages et les inconvénients. Pour cela, je tenterais de rester dans un modèle descriptif de cette forme de journalisme (Qui a écrit ces reportages ? Quel public est visé ? Après avoir regardé ces articles/vidéos/sons, trouvez-vous qu’ils se différencient de ceux que j’ai amenés par la suite ? Si oui, pourquoi ?). Progressivement, cela les amènera (je l’espère) à avoir une réflexion critique sur le contenu de ces différentes formes journalistiques.
  3. Une fois ce journalisme défini de la manière la plus « objective » possible, je leur demanderais de réfléchir à leur opinion face à ce type de journalisme. Il est impossible d’arriver à une définition tout à fait objective, car on perçoit toujours la réalité par le filtre de notre raison (l’objectivité est une caractéristique de l’objet), mais il est possible, selon moi, d’objectiver une définition, de se mettre d’accord autour d’une notion et d’être fidèle à la réalité extérieure.
  4. J’amènerais des vidéos d’un journaliste qui a une vision plutôt positive du journalisme de solutions et un journaliste qui a une vision négative. On visionnerait les vidéos et suite à cela, je laisserais un temps pour le débat, l’échange d’idées entre eux. Je poserais peut-être des questions pour faire naitre le débat (Pensez-vous que l’on peut faire du journalisme de solution en même temps que du journalisme d’investigation ? Pensez-vous que les journaux locaux font du journalisme de solution lorsqu’ils mettent en avant des initiatives citoyennes dans la région ? Pensez-vous que cette forme de journalisme va mettre les gens en action, va les pousser à agir ? Que ressentez-vous quand vous lisez un article de solution ? Ce journalisme reflète-t-il la réalité ?)
  5. Finalement je proposerais un exercice plus pratique. C’est à leur tour de jouer. Ils sont des journalistes en herbe et ils vont pouvoir rédiger des articles ou faire une vidéo pour le site de l’école. Ils vont pouvoir aller à l’encontre des autres élèves, des professeurs et des/du directeur(s)- directrice(s) pour trouver un sujet à traiter. Ils devront ensuite tenter d’aborder le sujet de façon constructive en le traitant selon l’angle des problèmes, mais aussi des solutions.

En imaginant cette activité, j’ai tout d’abord essayé de partir de ce que les élèves connaissent déjà. Je ne leur amène pas la définition du journalisme de solutions, je les laisse la construire ensemble. Ensuite je les laisse réfléchir eux-mêmes à leurs opinions face à cette sorte de journalisme et je leur permets d’en débattre par la suite. En ce sens, j’essaye le plus possible de partir de leurs propres représentations. En effet, « les approches ‘transmissives’ ou ‘expositives’ peuvent être efficaces quand le ‘nouveau savoir’ n’entre pas en contradiction avec les schémas et images mentales préalables de l’apprenant » (Lecomte, 2016).

Il est donc nécessaire de prendre en compte le public et ses présupposés. Je peux ici faire un lien avec le constructivisme et même avec le socioconstructivisme. Le constructivisme affirme que la connaissance est inséparable de l’observateur. Comme le souligne Piaget, il est important de prendre en compte les représentations initiales des apprenants. « Le savoir n’est pas un « contenu » qui vient remplir un récipient vide : il fait l’objet d’une appropriation en fonction de ce « déjà-là » cognitif » (Lecomte, 2016). Ces représentations initiales (ou pré-jugés pour Gadamer) sont des conditions de possibilité du jugement et ont un impact sur les futurs jugements. Cette idée rejoint aussi celle de Paul Grice et son « principe de coopération » qui souligne l’importance pour un enseignant de prendre en compte ses apprenants afin de favoriser la compréhension. Le socioconstructivisme souligne que l’apprentissage est aussi dépendant des relations sociales. En laissant les apprenants échanger pour construire leur vision du journalisme de solution, ils apprennent aussi grâce aux pairs.

Un autre point qui me semble important est de proposer plusieurs visions du journaliste de solutions. Il s’agit d’adopter une position dialectique, selon laquelle « la vérité est quelque chose qui s’enrichit de sa propre critique, de la prise de distance » (Lecomte, 2016). En laissant une place pour le débat, j’espère laisser la possibilité aux jeunes de se nourrir de l’avis des autres pour construire leur vérité et leur avis sur le journalisme de solutions et ainsi développer progressivement une pensée critique. Ceci rejoint aussi l’idée du pluralisme et le perspectivisme : « en multipliant les points de vue (paradigmes, interdisciplinarité), on augmente sa compréhension du monde » (Lecomte, 2016).

Il sera également nécessaire, tout au long du dispositif, d’adopter un discours le plus « neutre » possible. Il est important de ne pas critiquer de but en blanc cette forme de journalisme en disant qu’il s’agit d’un journalisme de « bisounours » et qu’il ne s’agit pas d’une forme « noble » de journalisme. Ou encore, de n’amener que des journaux de type intellectuel. Trouver un article de solution dans Closer ou une vidéo de solution proposée par un blogger pourrait aussi être intéressant. Nous avons tous des présupposés moraux, mais je trouve qu’il est important de ne pas se limiter à un a priori. Il s’agit donc d’être attentifs (conscients) par rapport à nos propres présupposés tout en ne faisant pas du prosélytisme à leur égard.

En offrant la possibilité aux apprenants de rédiger leur propre article ou de réaliser leur propre vidéo de solution, j’espère aussi donner plus de sens au savoir. Les apprenants seraient confrontés à quelque chose qui les touche : quels sont les problèmes de l’école et quelles sont les solutions ? Cela pourrait peut-être les motiver davantage.

Il est important de noter qu’en construisant ce dispositif, j’opte pour un paradigme existentialiste et optimiste et je fais le pari d’éducabilité. Je crois en le fait que l’éducation peut servir à quelque chose et que chaque apprenant peut être éduqué.

Pour conclure ce point, je pense que pour enseigner en général, il est nécessaire d’adopter un « nihilisme méthodologique » (Lecomte, 2016) et de varier les approches pédagogiques (démarche pluraliste). Il est également important d’identifier ses présupposés et se situer dans une démarche réflexive de sa propre façon de penser (métacognition) et être conscient qu’il est impossible de ne pas faire du normatif.

Conclusions

Conclusion de l’analyse

Nous pouvons conclure que le journalisme de solutions amène des opinions multiples et des positionnements variés. Si certains sont persuadés de sa plus-value, d’autres se montrent moins convaincus.

Les adeptes de cette nouvelle forme journalistique adoptent généralement un parti-pris existentialiste qui va de pair avec une posture optimiste.  Ils considèrent que toute personne peut changer et que les actes humains sont contingents, indéterminés. L’action humaine peut ainsi être bonne et faire évoluer la société. S’il est alors possible d’apporter des solutions, même minimes, pour faire changer le monde, pourquoi ne pas essayer ?

Les journalistes qui pratiquent ce journalisme mettent en avant l’idée d’émancipation et de citoyenneté du lecteur. Leur objectif est de relayer les initiatives citoyennes pour donner des idées au public et le mettre en action. Ils voient les citoyens comme des êtres responsables. Le média est alors vu comme un remède, car il met en lumière des initiatives qui, sans la médiatisation, resteraient dans l’ombre. Ces journalistes ont une vision pragmatiste du rôle des médias qui permet de diffuser le savoir utile qui va permettre d’agir sur le monde.

Il est aussi important de noter que plusieurs rédactions se sont converties au journalisme constructif dans le but de faire plus d’audience. Il y a aussi un objectif financier, et donc une tension entre cet objectif de rentabilité et la mission déclarée d’émanciper le citoyen.

Les opposants au journalisme de solutions, quant à eux, soutiennent que cette forme journalistique est du « faux » journalisme. Cette manière de traiter l’information peut, selon eux, vite tourner à la promotion ou à l’opération de communication. Les médias perdent dès lors leur aura de contre-pouvoir. Le journaliste ne permet plus de dénoncer, mais simplement de relayer. Il fait de l’information bisounours et occulte complètement les problèmes du monde. Les détracteurs ont comme présupposé que la valeur des médias se trouve dans l’information qu’ils donnent, et que celle-ci ne serait que le « reflet » de la réalité.

Le journalisme de solutions est aussi critiqué, car il empêche le journaliste de rester neutre. En relayant des solutions, il ne peut s’empêcher de défendre des points de vue qu’il trouve plus justes. D’après les critiques, un journaliste doit respecter la déontologie journalistique selon laquelle il faudrait être neutre, et donc ne pas diffuser son opinion dans ses articles ou reportages. Il s’agit ici d’un présupposé du journalisme : relater le fait-vrai, rester neutre et transparent.

Cependant, ces deux opinions divergentes sont aussi à nuancer. Plusieurs journalistes, essayistes, sociologues se situent entre les deux. Pour beaucoup, le journalisme de solutions a des vertus, mais il est important de ne pas se limiter à ce type d’information. C’est une méthode parmi d’autres. Il est nécessaire de varier les techniques. Il s’agit ici d’une posture qui prône le pluralisme méthodologique.

Retour réflexif praxéologique

Tout au long de mon analyse du journalisme de solutions, j’ai tenté d’avoir une position la plus « neutre » possible. J’ai essayé de ne faire que relayer les opinions de différents auteurs et d’identifier leurs idéologies, leurs présupposés. En ce sens, j’ai tenté d’adopter une posture dialectique en mettant en lumière aussi bien les apports que les limites de cette forme journalistique. Ceci m’a donné la possibilité de construire ma propre pensée sur ce courant. Même si l’objectivité n’est pas possible (notre raison et nos sens influencent la façon dont on perçoit la réalité), je me suis efforcée d’être le plus fidèle possible à la réalité. Je suis cependant aussi consciente que mon analyse n’est pas exhaustive. Mais j’espère avoir pu poser des balises pour ouvrir le débat et la réflexion sur cette forme journalistique et le journalisme en général.

En ce qui concerne la partie pédagogique du travail, le dispositif proposé pourrait bénéficier de quelques améliorations. Mon objectif premier était d’imaginer une activité qui permettrait aux apprenants de comprendre ce que c’est le journalisme de solutions tout en restant neutre sur cette forme nouvelle de journalisme et en partant de leurs représentations initiales. Il me semble important de pratiquer le nihilisme méthodologique pour se questionner sur l’intérêt de l’apprentissage que l’on enseigne aux élèves. C’est ce que j’ai tenté de faire. De plus, j’avais à cœur de pouvoir développer leur pensée critique envers les médias et les différentes formes de journalismes.

Mon opinion sur le journalisme de solution

Mon propre avis sur le journalisme constructif est assez nuancé. Il me semble intéressant d’adopter une posture pluraliste et considérer que cette forme de journalisme a sa place dans les rédactions, sans occulter d’autres formes de journalisme.

Bibliographie

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Galpin, G. (2016). Le journalisme de solutions, révolution culturelle de l’info. Inaglobal.

Gapenne, B. (2016). Le journalisme d’impact comme mobilisateur citoyen. Le Huffington Post.

Lonchampt, P. (2016). L’éco des solutions [Reportage radio]. Dans RCF Radio, Médias en crise, médias porteurs de solutions.

Reporters d’Espoirs (s. d.), Notre Mission.

Boisredon de, C. (2015). Le secret des sources [Reportage radio]. Dans France Culture, Le journalisme doit-il trouver des solutions ?

On passe à l’acte (2015, 12 mai). Nicolas Blain a créé Courant positif, un site web d’infos constructives [Vidéo en ligne].

Andraca, R. (2014). Le journalisme de solutions, une solution pour le journalisme ? – et si on po-si-ti-vait les infos ? @si a assisté à un séminaire à Paris. Arrêtsurimages.net.

Gramaglia, J. (2016). Nice matin vante son « journalisme de solutions ». Mais la limite avec la communication est parfois mince. Arrêtsurimages.net.

Pourquery, D. et Quelier, O. (2016). Le journalisme de solution, solution du journalisme ?

Lecomte, J. (2016). Enjeux épistémologiques et éthiques des médias et de l’éducation aux médias.

Verniers, P. (2016). Enjeux politiques et idéologiques des médias et de l’éducation aux médias. [Présentation PowerPoint – document non publié].

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