Information et désinformation : quelle est l’influence des IA génératives ?

L’enjeu de « bien s’informer » et de développer l’esprit critique pour savoir à qui et à quoi faire confiance n’est clairement pas neuf. Cela fait des années que j’y travaille sur Philomedia.

Mais aujourd’hui, on va un pas plus loin encore dans l’hyper-personnalisation de l’information et la désinformation.

John William Waterhouse - Echo et Narcisse (1903)

John William Waterhouse – Echo et Narcisse (1903)

Des contenus taillés sur mesure

Il y avait déjà nos propres pratiques informationnelles, nos propres biais, nous poussant à sélectionner des sources dans une sphère restreinte (j’achète tel journal ou regarde telle chaine de télé pour m’informer).

Se sont ajoutés les algorithmes de recommandation qui font que l’information qui vient à nous est d’autant plus ciblée, renforçant potentiellement la polarisation (je vois tels contenus sur mon fil d’actus, j’obtiens tels résultats d’un moteur de recherche, en fonction d’un profilage de ma personne). C’est la notion de bulle de filtres.

Désormais, avec les IA génératives (Chat Gpt, DeepSeek, Copilot, Gemini…), nous pouvons toutes et tous recevoir un contenu sur-mesure, taillé pour nous, comme s’il émanait d’un camarade qui nous accompagne partout. Ce même camarade qui nous propose des recettes sur base du contenu de notre frigo, qui nous réconforte quand nous sommes tristes, qui est notre coach sportif, qui nous aide à réussir nos examens, qui rédige à notre place ou encore qui nous conseille quel film aller voir au cinéma.

Pour aller plus loin sur ces questions, lire notamment :

Un lien de confiance bien tissé

Or, on sait depuis des années que la confiance est une question clé. L’adhésion à un contenu ou des idées dépend souvent moins d’une analyse rationnelle desdits contenus que d’un lien social et affectif avec sa source (cf. Développer la capacité à changer de point de vue – Les enjeux de la décentration) !

De nombreuses études montrent que nous sommes plus influencées et influencés par nos semblables que par les médias de masse, que nous nous fions plus volontiers à des leaders d’opinion (des influenceuses et influenceurs) qu’à des contenus dépersonnalisés (concepts : gtekeeping, two step flow…).

L’éducation à l’esprit critique et la régulation ont toujours deux trains de retard

Problème : beaucoup de gens utilisent l’IA générative sans savoir vraiment ce qu’elle est, ce qu’elle fait (générer des signes sans en maîtriser le sens), d’où proviennent ses sources, comment elle a été conçue et par qui, etc. C’était déjà le cas avec les moteurs de recherche et les algorithmes…

L’éducation et la régulation (deux leviers complémentaires pour favoriser des usages citoyens critiques et responsables) ont toujours deux trains de retard par rapport aux usages, car il y a un manque de réflexion prospective sur les enjeux que cela brasse, et qui pourtant ne sont pas neufs. Et il faut souvent compenser l’absence ou le manque de régulation éthique par des « pansements » éducatifs (cf. mes propos sur la surresponsabilisation des individus au détriment de l’action systémique, notamment ici et ici)…

De premières études montreraient que l’IA générative serait plus convaincante qu’un humain pour influencer son interlocuteur dans une grande majorité de cas, comme c’est le cas de cette étude menée en 2025 sur des utilisateurs sur Reddit (il convient de prendre de telles considérations avec des pincettes, étant donné le caractère discutable et isolé desdites études).

A chaque innovation technologique, l’Eldorado ou le chaos…

Je suis fasciné par l’IA générative, comme aux premières heures du web. C’était un véritable Eldorado de partage possible, d’innovation sociale, de mise en commun des savoirs, de l’art et de la culture, de rencontre de la diversité… J’entrevois à peine tous les potentiels de progrès, toutes les promesses qu’on pourrait en attendre dans un monde idéal.

Mais j’ai aussi vu comment le web a fini par se faire rattraper par les intérêts politiques et financiers

Avec l’IA générative, la communication de masse n’a plus de défaut : elle peut à la fois être de masse et hyper personnalisée. Dans un contexte où l’on peine à savoir à qui ou à quoi se fier, les enjeux sont colossaux.