Pendant l’écriture de Nuance ! La puissance du dialogue, j’ai mis entre parenthèses plusieurs sujets que j’aimerais approfondir (j’en ai fait état précédemment). En voici une compilation actualisée.

Arnold Böcklin – L’île des morts, 3e version (1883)
De la lecture =) pic.twitter.com/WdGh2Y6eCI
— Julien Lecomte (@BlogPhilo) April 19, 2021
Amour et philosophie
En prolongement de mes articles Amour et philosophie (Amour et philosophie (2015), De l’amitié (2018), Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour (2020)), j’envisage d’écrire un article sur “le marché amoureux”.
Pour l’instant, il n’est qu’à l’état d’ébauche (depuis plus d’un an). C’est un sujet très délicat.
D’un côté, il me semble opportun de questionner toutes les « règles implicites » qui font pression sur les individus dans le cadre des relations amoureuses. C’est extrêmement complexe, dans la mesure où c’est un domaine qui se retrouve à l’intersection de différents « pouvoirs » et de différents types de normes sociales, impliquant de nombreuses discriminations implicites (culte du corps et de l’apparence physique, grossophobie, rôles genrés et sexisme, statut social…). De plus en plus d’ouvrages mettent en évidence l’impact par exemple d’une éducation sexiste, réduisant chaque personne à des rôles préformatés, souvent de manière inéquitable. J’ai l’impression que l’on pourrait aller encore plus loin en étudiant des fonctionnements plus diffus et peut-être moins « avouables » contribuant à faire pression sur les relations sentimentales. Je pense notamment à la question de la propriété, cancer selon moi de notre organisation sociale (tout en me demandant si celle-ci n’est pas profondément ancrée en nous, quand bien même elle serait culturelle, surtout lorsqu’il est question de sentiments amoureux…). Je songe aussi au phénomène des « incels », entre autres exemples. Je fais l’hypothèse que la façon dont fonctionne le « marché amoureux » est interdépendante de rapports de pouvoir et de domination que l’on peut observer par ailleurs, et qu’il est réducteur de les appréhender dans une vision causale linéaire (surtout si cette approche est uniquement « identitaire », « catégorielle », focalisée sur des caractéristiques d’individus pris isolément les uns des autres). « Si tu reviens, j’annule tout » : les dynamiques de pouvoir peuvent être complexes dans un système où tout est potentiellement monnaie d’échange, et où la désidérabilité ou l’amour de l’être aimé sont le Saint Graal à atteindre à tout prix.
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D’un autre côté, j’ai du mal à aborder la question amoureuse essentiellement par le prisme des relations de pouvoir, et a fortiori à faire des généralités dans ce domaine (qui, de ma perspective, devient de plus en plus conflictuel, polarisé politiquement et idéologiquement…). Idéalement, je souhaiterais que l’on puisse transcender cette approche.
J’ajouterais enfin que j’éprouve des contradictions internes entre ce que je pense et ce que je ressens à l’égard des relations amoureuses : si certaines choses m’apparaissent comme préférables sur un plan purement cognitif ou dans une forme de rationalité éthique, les vivre provoque en moi une douleur qui m’interroge quant à leur pertinence…
Lectures connexes :
- Eva Illouz, Les marchandises émotionnelles et Pourquoi l’amour fait mal.
- François De Smet, Eros Capital. Les lois du marché amoureux.
- Serge Chaumier, La déliaison amoureuse.
- Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour.
- Roland Barthes, Fragments du discours amoureux.
- Bell Hooks, La volonté de changer. Les hommes, la masculinité et l’amour.
Après cet article à propos du “marché amoureux”, je songe à un article qui s’intitulera vraisemblablement “éthique de l’amour” ou “éthique de la relation amoureuse”. Rien que ça… !
Débat public : économie de l’attention, économie du temps
Dans mon livre au sujet de la nuance, je développe qu’il y a des limites au dialogue. Elles sont notamment liées au temps dont nous disposons. L’économie de l’attention nous invite à considérer que le temps dont nous disposons est une ressource rare et limitée. Accorder notre attention à un sujet, c’est en occulter d’autres. De même, lorsque nous débattons avec quelqu’un, nous dépensons de l’énergie qui ne pourra pas être allouée ailleurs.
En lien avec le concept d’agenda setting, il me parait important d’interroger le fonctionnement du débat public, dans la presse ou sur les médias sociaux (et notamment à travers les algorithmes).
Cf. également cet article de Nicolas Galita.
Ruwen Ogien : un podcast
Je mentionne la philosophie de Ruwen Ogien dans plusieurs articles sur Philomedia :
- Ruwen Ogien : paniques morales et éthique minimale
- Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour (2020)
- Dilemmes moraux et expériences de pensée en philosophie morale : tueriez-vous un homme pour en sauver cinq ? (2019)
- Vertus, déontologisme et conséquentialisme : les 3 voies de la philosophie morale (2020)
Afin de continuer à rendre sa philosophie accessible, j’envisage de lui consacrer un podcast.
L’Humanité mérite-t-elle d’être sauvée ?
Un texte intitulé “l’Humanité mérite-t-elle d’être sauvée ?” à propos de misanthropie, d’humanisme et de la propension à tirer des lois générales sur base de dysfonctionnements particuliers (et notamment des minorités d’agitateurs bruyants). Un truc moins philo, plus romancé.
Articles connexes :
- Guerre(s) et philosophie
- Face à l’absurde des guerres et des attentats
- Armement et bombes nucléaires : l’Humanité en sursis ?
- Quand un jour nous mourrons
- Les pots de terre
- Articles à propos de “finitude humaine” et “banalité du mal”
- Ca faisait longtemps. C’était dans une autre vie.
D’importance secondaire
- Un texte nommé “le fantasme paranoïde”, à propos de cette posture consistant à croire qu’un avis largement partagé est censuré ou particulièrement ciblé par une forte opposition. Autrement dit, ce fantasme paranoïde correspond par exemple au fait de dire « Personne n’en parle ! », « Nous sommes censurés ! » ou encore « Nous sommes les victimes d’une pensée dominante ! » alors même que ce n’est pas le cas. A ce sujet, voir aussi « On ne peut plus rien dire ! » – La liberté d’expression
- Les réactions genrées aux photos de profil
- Didactique : comment favoriser la compréhension et la mémorisation des contenus ? J’ai eu l’occasion de traiter cette question en profondeur en tant que formateur à l’Université de Paix asbl, entre autres avec mes collègues Gilles Fossion et Julie Duelz. Comme le fruit de notre travail a été compilé dans des syllabi relatifs à la formation de formateurs, il est vraisemblable que je ne le partage pas tel quel ici. Pour des réflexions connexes sur mon site : Didactique
- L’image du « Good Guy » : comment être « quelqu’un de bien » ? Comment être une « bonne personne » ?
C'est parfois difficile de se remettre en question
Quand ca m'est arrivé, c'est venu toucher à l'image du "Good Guy" que je pensais / voulais être
La prise en compte de cette dimension intime et morale des idées (a fortiori politiques) me semble importante
— Julien Lecomte (@BlogPhilo) April 12, 2022