Lexique, auteurs et concepts

Cet article présente des auteurs, courants et concepts abordés dans ce blog, ainsi que des liens pour en savoir plus.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais il s’agit d’être plus au clair avec mes sources, inspirations et les interprétations que j’en fais / ce que j’en retire exactement, tout en contextualisant davantage certaines de mes considérations. 

Concepts et auteurs relatifs à la catégorie éthique et anthropologie philosophique

Concepts et auteurs relatifs à la catégorie vérité et épistémologie

Concepts et auteurs relatifs à la catégorie médias et communication

Pour aller plus loin, voir aussi : Internet Encyclopedia of Philosophy (english), Cours de philosophie et éthique de la communication ou encore ma page de « veille documentaire » en philosophie et sciences humaines et sociales.

Veille documentaire : philosophie et sciences sociales

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  • ARISTOTE et la notion de juste milieu. Le juste milieu (définition Wikipédia) est ici appliqué à l’attitude de tempérance à adopter par rapport aux croyances. L’idée est de tempérer ses actes et pensées plutôt que d’adopter systématiquement un avis tranché et irréfléchi. Et si, entre deux extrêmes (pas nécessairement à équidistance), il y avait une position tierce plus riche ? (Je fais une interprétation large du concept, sorti de son contexte éthique, qui ne se limite pas à un « point central délimité », un « non-engagement neutre ». Il est selon moi bien à comprendre avec l’idée d’une attitude éthique de nuance, valable aussi en épistémologie).
  • ASCH et MILGRAM (psychologie sociale) mettent en avant respectivement le conformisme (situation dans laquelle un individu adopte le comportement d’un groupe, même en cas de désaccord avec ce groupe) et l’état agentique (situation dans laquelle l’individu se sent déchargé de la responsabilité de ses actes, par l’obéissance à une autorité légitime par exemple) comme sources possibles de comportements humains. Dans les deux cas, cela pose question par rapport à l’exercice du jugement moral… A noter qu’en 2013, une analyse des méthodes qui auraient été utilisées par Milgram semble remettre en cause la scientificité de ses observations. Dans tous les cas, il s’agit au mieux de tendances statistiques, non de modèles universels de l’action humaine. Cf. Revisiting Milgram’s obedience experiment : what did he actually prove ? (english).

    • Article humanité et psychologie sociale.
      L’influence du milieu est selon moi importante à prendre en compte par rapport à l’action humaine (tension entre « déterminismes » et liberté). S’il ne faut pas beaucoup à certains hommes pour devenir « inhumains », il faut néanmoins rechercher les situations qui, potentiellement, favorisent ou non de tels comportements, les encouragent. Face à l’adversité, à l’injustice (certains n’ont pas eu besoin de cela), quel homme ne serait pas capable de commettre des actes nuisibles, à lui-même ou à autrui ? Cf. catégorie société : quelles sont les situations sociales susceptibles de favoriser ou de défavoriser l’exercice d’une action plus humaine (exclusion et inégalités sociales, identités, communautarismes et idéologies, aliénations, etc.).
    • Introduction à la psychologie sociale
  • FREUD, MARX et NIETZSCHE sont les auteurs que RICOEUR nomme les « maîtres du soupçon ». Respectivement, ils envisagent l’homme comme soumis à son inconscient, sa classe sociale ou aux « masques » qu’il porte. On peut dans cette optique citer GOFFMAN également. Ces auteurs peuvent être lus comme mettant l’accent sur une certaine finitude humaine.
  • FREUD et la liberté humaine. Je propose la lecture suivante de Freud : aujourd’hui, l’inconscient et la liberté sont régulièrement associés l’un à l’autre, dans le sens commun du moins. Être libre signifierait céder à ses pulsions, en opposition avec les règles. Or, Freud qualifie justement la « découverte » de l’inconscient comme une « nouvelle humiliation » pour l’homme. Personnellement, je dirais plutôt que la liberté est du niveau de la conscience, et même de la conscience de l’inconscient : il est question de se réapproprier l’inconscient en fonction des règles et de faire un choix rationnel. Cette vision des choses est beaucoup plus porteuse au niveau éthique.
  • William JAMES et le pragmatisme. William James est une des personnes que je cite (avec DEWEY également) pour relier la question de la croyance et la question de l’éthique. C’est avec Dewey et Peirce un des représentants du pragmatisme (Wikipédia). Selon ce courant, il est question de rejeter tout relativisme radical (« tout se vaut »), tout en rappelant que nous fonctionnons par des croyances, des postulats et des actes de foi.
    William James fait partie des penseurs qui défendent une sorte d’engagement en épistémologie : « est vrai ce qui est utile », c’est-à-dire ce qui a des enjeux à être désigné vrai. Il y a des choses que l’on ne peut prouver, mais si on les considère comme vraies, cela ouvre des portes phénoménales à la pensée et à l’action humaines. Par ce biais, ce type de thèse subordonne également l’épistémologie à l’éthique : le savoir n’a de sens qu’en lien avec l’exercice de la liberté humaine. Autrement dit, la question de la connaissance est en lien étroit avec celle de la liberté, de l’agir.
    Par exemple, l’existence de l’inconscient, l’existence du monde réel ou la théorie de l’évolution sont des choses qui permettent une fertilité scientifique, une fertilité du questionnement et des créations, si on les considère comme vraies. Cela vaut aussi, à mon avis, pour l’argumentation : on peut attribuer un poids plus grand à certaines croyances en fonctions des enjeux qu’elles véhiculent.
    En somme, le pragmatisme reconnait que certaines choses ne peuvent être démontrées (cf. Finitude (cognitive) de la raison humaine). Celles-ci font l’objet de croyances, d’un acte de foi (ou du moins de confiance, pour utiliser un terme moins connoté). Ce courant fait pourtant le pari d’en considérer certaines comme vraies dans la mesure où si elles le sont effectivement, cela ouvre le champ d’action humaine possible. Il s’agit en somme d’un engagement. Il convient d’être au clair avec cet acte de foi, ces postulats : à la fois, pour en comprendre le sens / la raison d’être, mais aussi pour être capable de les remettre en cause avec humilité. Ceux-ci sont significatifs dans une certaine mesure (cf. Russell).

  • HEGEL et la dialectique : auteur extrêmement important. Selon moi, il relativise l’idée de la vérité, pour peu que l’on se détache du vocabulaire « absolu » lié à sa pensée. Hegel présente en effet une véritable dynamique dialectique (Wikipédia). En ce sens, il fait de la vérité quelque chose qui s’enrichit de sa propre critique. Pour reprendre la métaphore des points de vue que j’apprécie (cf. perspectivisme), un point de vue peut s’enrichir des apports des autres points de vue, ne serait-ce qu’en constatant ses limites. Ainsi, on obtient des vérités dynamiques, mouvantes… On a donc ici une pensée qui prend en compte les pensées qui lui sont opposées, qui tente de retirer quelque chose de cette opposition. Cette vision « cohérentiste » est pour moi une porte ouverte au pluralisme des vues, tout en ne tombant pas dans un relativisme radical, du simple « tout se vaut ». Cette thèse suppose selon moi une certaine éthique du dialogue, basée sur la coopération. Selon moi, Edgar Morin résume l’enjeu de la dialectique par cette phrase : « la connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant ».
  • RUSSELL. Le philosophe analytique (Wikipédia) Bertrand Russell est cité entre autres dans les articles concernant les points de vue, l’objectivité et la neutralité. Face aux paradoxes logiques, il propose la théorie des types (Wikipédia) qui veut grosso modo que toute proposition a une zone de signification, un domaine de pertinence. Concrètement, cela implique que l’on ne peut parler de tout à la fois, et jamais de tout que d’un certain type : toute proposition ou fonction a un domaine spécifique dans lequel elle est pertinente, dans lequel elle peut prendre des valeurs. Tout point de vue a un champ où il convient, mais aussi des limites, une part d’ombre.
    Autrement dit encore, une chose considérée comme vraie l’est toujours dans une certaine mesure, en lien avec un domaine de signification (et donc un langage) donné. C’est cette mesure qu’il me semble important de prendre en compte : une proposition ne parle pas de la réalité dans son absolu (toutes les choses, la totalité des objets – cette totalité étant elle-même un objet), mais bien de choses d’un certain type (chaque chose ou chaque objet délimités d’une certaine manière). En plus de délimiter les contours épistémologiques (toute proposition a un domaine de signification, un champ qui veut que celle-ci est pertinente « pour certains x », certaines facettes de la réalité), cette réflexion rigoureuse invite à prendre garde aux généralisations hâtives au quotidien, en respect de la logique qui veut que « tout x » et « certains x (chaque x d’un certain type) », ce n’est pas la même chose…

  • KANT : pensée théorique et pensée pratique. La différence entre la pensée théorique et la pensée pratique est explicitée notamment chez Kant. C’est la différence entre le domaine de la connaissance (cognition, épistémologie) et celui de la morale (mœurs, éthique). Concrètement, ce n’est pas parce que l’on calcule bien, que l’on sait construire un raisonnement cohérent ou logique que l’on exerce des jugements moraux ou que l’on s’interroge sur notre propre éthique. Cette délimitation permet à mon sens de mieux situer le propos d’Arendt lorsque celle-ci qualifie Eichmann de « banal » et lui attribue un manque d’exercice de son jugement.
  • KANT et le constructivisme. KANT mérite d’être cité pour sa rigueur formelle, mais aussi pour le développement d’un constructivisme (Wikipédia) confiant en la raison, ainsi que pour la visée résolument éthique de sa métaphysique : le sens se retrouve pour moi dans le niveau éthique, de l’action humaine. Le constructivisme de Kant reconnait la finitude (cognitive) de la raison humaine, c’est-à-dire d’une part que cette raison est limitée (nous ne disposons pas d’une connaissance divine, omnisciente, incluant en elle-même toute la réalité) et d’autre part que la réalité est perçue et construite par cette raison. Selon Kant, nous ne percevons que les phénomènes (les choses appréhendées par notre système perceptif et cognitif, les « images » du réel réalisées par le filtre de nos sens et de notre entendement), pas les noumènes (Wikipédia) (la réalité en tant que telle, indépendamment de nous). Autrement dit, nos perceptions du réel sont construites par le prisme de notre raison. On pourrait dès lors adopter une attitude relativiste et dire que puisqu’il n’y a que des perceptions, nous ne pouvons rien dire de choses plus vraies que d’autres sur le monde. Ce n’est pas le choix proposé ici : il ne s’agit pas pour nous de rejeter tout ce qui relève de la raison. Nous sommes d’accord pour dire que la réalité que nous percevons est une réalité construite (par cette perception, justement), mais pas d’accord pour en inférer qu’il faille ne plus faire confiance à nos perceptions. Ce choix est à relier à des postulats pragmatistes. Il convient par contre d’être très humble vis-à-vis des croyances qu’elles supposent.
    Le constructivisme en épistémologie n’est pas à confondre avec le constructivisme en tant que paradigme pédagogique, bien que ceux-ci soient en partie liés.

  • G. LAKOFF : La discussion, c’est la guerre. La discussion, c’est la guerre fait référence à l’analyse d’une métaphore conceptuelle (Wikipédia) qui présente la tendance à présenter la discussion comme une lutte entre intervenants. Le pari que j’en retire est qu’en prenant conscience de ces mécanismes, on puisse développer une logique plus constructive par rapport à l’échange. Cette thèse est intéressante à mettre en relation avec une éthique basée sur le principe de coopération dans la conversation dont parle GRICE.
  • Pluralisme. Le pluralisme (définition CNTRL) est intrinsèquement lié au perspectivisme. Concrètement, le perspectivisme implique de dire qu’il existe plusieurs points de vue sur la réalité. Ceux-ci ont tous une certaine zone de signification, une pertinence limitée. Par conséquent, pour obtenir une perception plus complète de la réalité, pour enrichir la connaissance, il convient d’adopter plusieurs points de vue, de combiner les approches et les postulats. C’est une alternative au relativisme : plutôt que de dire « il y a plusieurs points de vue, donc on ne peut pas trancher », il s’agit de dire « il y a plusieurs points de vue, donc combinons-les pour obtenir une vision plus juste de la réalité ». En éducation et dans la vie en société, cela implique d’initier les personnes aux différentes cultures, aux différentes approches du monde, à leurs forces et à leurs limites. Il s’agit de faire droit à la diversité (un enjeu face aux idéologies et à l’uniformisation culturelles). Ce pluralisme vaut tant sur le fond (pluralisme dans les contenus abordés, dans les thèmes, les théories, les visions du monde) que sur la forme (méthodes, approches pédagogiques en éducation).
  • S. PAUGAM et la question de l’identité. L’identité est un concept problématique. Il peut favoriser des dérives idéologiques (communautarismes, égo ou ethnocentrisme) et des dynamiques (stigmatisation, exclusion, etc.) néfastes à une vie harmonieuse en société. Par rapport à ces dynamiques, Paugam propose justement de ne plus étiqueter les personnes, mais bien de qualifier les relations, les interactions, les comportements et les opinions. Concrètement, cela signifie de faire la part des choses entre ce qu’une personne ou un groupe est intrinsèquement (au final, peu de choses?) et les dynamiques et évolutions auxquelles elle est confrontée. C’est un postulat proche de l’existentialisme en éthique : cela signifie qu’une personne ou un groupe n’est pas « quelque chose » une fois pour toutes. Elle peut dès lors changer, se définir elle-même. Cf. articles suivants :
  • SARTRE et l’existentialisme. L’existentialisme (Wikipédia) est une thèse qui dit en bref que l’homme n’est jamais vraiment « quelque chose », mais se construit au fur et à mesure de ses actes. C’est le fameux « l’existence précède l’essence » (notre action humaine précède « qui nous sommes » : nous nous définissons au fur et à mesure de nos actes). Cela voudrait dire que l’on peut toujours changer, selon sa volonté : l’homme se fait lui-même.
    Cette thèse est inspirée par la lecture de l’œuvre de Martin Heidegger, dont l’une des forces est de penser l’être humain dans sa dimension temporelle (l’être humain est « être-vers-la-mort » / « être-pour-la-mort »).
    La différence entre la puissance (le potentiel) et l’actualisation (l’acte) (Aristote) peut permettre de comprendre l’existentialisme. Selon la vision existentialiste, on n’est pas « intelligent » ou « bon » (ou même « mauvais ») une fois pour toutes, mais on exerce ou non des facultés, en situation. Nous en avons le potentiel, mais nous ne l’actualisons pas nécessairement : nous ne sommes pas entièrement prédéterminés à être bons ou mauvais (ce qui est un corollaire de notre finitude), mais nous pouvons choisir de poser des actes qui nous définissent par la suite.
    Un penseur comme Sartre mérite d’être tempéré/nuancé, et l’essentialisme n’est à mes yeux pas à rejeter comme tel, dans l’absolu… Mais l’idée est que nous possédons une « part de nous » que nous pouvons changer, qui est loin d’être statique… Un pendant de l’existentialisme en sciences sociales est le socio-constructivisme. L’individu et la société se construiraient mutuellement, dans une dynamique complexe, en fonction l’un de l’autre. Ainsi, face à la « banalité du mal », il est possible de se définir soi-même.

  • THEORIES DES MEDIAS ET DE LA COMMUNICATION. Il y a plusieurs points de vue. L’idée de base du sens commun est que des méchants producteurs créent des choses pour nous influencer ou nous prendre notre pognon (vision linéaire, comparable à celles résultant des thèses de LASSWELL par rapport à la propagande). Il peut s’agir également d’une influence plus « idéologique » : il ne s’agit pas tant des contenus en tant que tels que des représentations sociales qui y sont liées. Cf. à ce sujet ADORNO et HORKHEIMER ou encore BOURDIEU et MORIN en Europe Continentale. Des théories du même genre complètent ces propos. La notion d’AGENDA SETTING (Wikipedia – english) correspond au fait que les médias sélectionnent les informations, mais n’ont que relativement peu d’influence sur l’interprétation idéologique de celles-ci. Ils nous diraient « à quoi penser », quels sont les « thèmes importants à l’agenda », mais pas exactement quoi penser, en programmant certaines choses et pas d’autres, en y accordant du temps et en occultant d’autres sujets. Les théories des intermédiaires que sont le GATEKEEPER (Lewin) et le TWO-STEP-FLOW (Lazarsfeld et Katz) notent que des leaders d’opinions servent de relais aux messages pour en accroître l’efficacité en termes d’influence, notamment par la discussion entre pairs. Cela signifie qu’un message a d’autant plus de poids que son contenu vous est recommandé par quelqu’un en qui vous avez confiance.
    A cela, il faut ajouter la question de la réception : que font les publics ? Quelles sont leurs attitudes, leurs croyances, leurs opinions (confiance / méfiance, avis) ?
    Les individus peuvent en effet critiquer, se réapproprier, nuancer, rejeter ou tout gober. Ainsi, il existe par exemple des tendances sociales qui font que lorsqu’un individu perçoit des opinions contraires aux siennes, il les critique. Dans ce cas, il ne sera pas influencé, mais se pose la question cruciale de la nuance, du véritable sens critique. Et des idéologies dans lesquelles on baigne : ce sont les choses les plus difficiles à remettre en question (cf. Ricoeur). Il existe une critique des médias qui est davantage sociale que logique : ainsi, critiquer certains contenus correspond parfois plus à un moyen de se faire-valoir, de se positionner socialement (se distinguer), plutôt qu’à une évaluation raisonnée de ces contenus. Entre la réception naïve et le rejet systématique, n’y a-t-il pas des attitudes plus profitables ?

  • Paul RICOEUR (dans sa trilogie Temps et récit) estime qu’il y a trois temps dans la constitution d’un récit (trois « mimesis »). Pour bien comprendre comment j’entends cette philosophie, on peut se référer au parallélisme que je fais entre sa pensée et celle d’autres philosophes.
    Le premier type de temporalité est : le temps préfiguré, celui du monde, vécu comme tel. C’est le moment d’une appréhension première du monde, « intuitive », « phénoménologique ».
    Ensuite, le temps configuré, par le récit (par extension : par le média, voire par toute production humaine : sciences, idéologies, etc.). C’est le moment de la construction, de la mise en forme dans le discours. Le temps est alors mis à plat : une cohérence et un ordre spécifiques lui sont ajoutés.
    Et enfin, le temps refiguré, tel qu’il est approprié par les destinataires du récit (les usagers du média, le « public »). De manière concrète, cela signifie qu’un récit, un média ou une production humaine s’inscrit toujours dans un monde et une culture qui lui pré-existent, qu’il ne nait pas indépendamment de toute réalité, et qu’il en est donc imprégné. Cela signifie aussi que la configuration qui résulte de la mise en récit / la mise en média / la production humaine « transforme » la réalité dont il est question, la configure à sa manière, la formate, tout en ne rendant pas compte de toute cette réalité.
    A cela, Ricoeur ajoute une notion fondamentale : l’idée de « boucle mimétique » (fort proche de la dynamique dialectique de Hegel). Le temps « refiguré » forge en partie le temps « préfiguré », c’est-à-dire la vision du monde préexistante aux récits et aux discours humains au sens large. Ainsi, ce qu’il faut retenir, c’est la complexité des choses : un discours nait dans une société où cohabitent plusieurs visions du monde, il la rend partiellement et imparfaitement, par son prisme tout en lui donnant une certaine forme, et enfin une partie du monde la reçoit de manière différenciée, en fonction toujours d’une origine et d’une existence, et dans le même mouvement la modifie une fois encore. Au niveau des médias, cela implique le fait que critiquer, analyser et Interroger les médias, c’est aussi interroger la société dans laquelle ils naissent, ainsi que les usages, les opinions.
    RICOEUR propose également une vision de l’idéologie (cf. L’idéologie et l’utopie) qui correspond bien à l’idée que je me fais des « œillères » que je dénonce dans ce blog. En effet, selon lui, une idéologie a une fonction d’occultation, c’est-à-dire qu’elle agit de manière voilée. Plus encore : plus une idéologie est voilée, mieux elle fonctionne. En d’autres termes, moins une société se remet en cause, plus il y a de chances qu’elle se base sur des présupposés (des postulats) qui sont loin d’être neutres. Comme il le dit : « l’idéologie n’est jamais assumée en première personne : c’est toujours l’idéologie de quelqu’un d’autre ». Le pire danger ne vient pas de ce que l’on critique, mais de ce que l’on estime comme acquis pour critiquer. Ce modèle, comme la plupart des modèles de Ricoeur, s’étend bien au-delà de l’analyse d’un Etat, et peut s’appliquer aux discours et façons de penser de certaines personnes : moins on se remet en cause, plus il y a de chances que le jugement soit orienté.